Une plongée dans l’intime des habitants de la banlieue de Sarcelles, une ville « laboratoire » aux multiples visages.
Cliquez ici pour voir le film gratuitement sur Viméo.
Consultez la page officielle du film.
Contactez la société de production :
YES SIR FILMS
192 Rue Legendre Paris 75017 09 51 13 55 33
Site officiel : http://www.yessirfilms.com/
Contacts mails :
1. Images belles et stylisées de la ville de Sarcelles,
2. Variété des profils dans les témoignages,
3. Enquête approfondie sur les tensions sociales.
Immersion dans la ville de Sarcelles, édifiée à la fin des années 1950, pour observer l’évolution de cette banlieue française riche de sa diversité. Mais si le « vivre-ensemble » est encore une réalité, il tend à disparaître au profit d’un repli communautariste qui crée un climat de tension sociale. « Sarcellopolis » enquête sur les raisons de ce repli, sans jugement et sans manichéisme.
Diffusion (2015) :
Mediapart
Libération
France Culture
France Télévisions.
Le résumé ci-dessous provient de la page internet officielle du film.
Dans les années 50, des grands esprits, des intellectuels, des politiques et des urbanistes ont imaginé ce que pourrait être la cité du futur en proximité des grandes agglomérations : un El Dorado immobilier pour désengorger les villes, des immeubles où les gens bénéficieraient du confort, un espace urbain repensé, un nouveau mode de vie, une vision moderne du vivre-ensemble.
Une ville a été le terrain de ces expérimentations et n’a jamais cessé d’incarner cette utopie au point de cristalliser les critiques sur la banlieue : Sarcelles. Aujourd’hui la réalité des hommes a repris ses droits, les gens se sont appropriés la ville, elle est sortie de l’utopie des cerveaux pour entrer dans l’intimité des cœurs de ses habitants. Qu’est devenu ce rêve urbaniste qui devait être le fer de lance d’une société nouvelle ? Que reste-t-il de cette utopie ?
A travers ce documentaire, on découvre une cité riche, hétéroclite, paradoxale via les yeux de ses habitants. Par la force des choses, ils ont inventé un nouveau vivre-ensemble où se mêlent des sentiments complexes tiraillés entre espoir et amertume.
« Sarcellopolis » retrace l’histoire de la transformation de la petite commune de moins de 10.000 habitants en une ville-monde aux 60.000 résidents et 90 communautés, à travers les problématiques de la cohésion sociale, l’identité, l’école, la communauté, l’insertion, la rénovation urbaine, la religion.
Sébastien Daycard-Heid est documentariste/reporter indépendant. Diplômé de l’école de journalisme de Strasbourg (CUEJ), il travaille sur le vivre-ensemble et la cohésion sociale à travers son documentaire Sarcellopolis diffusé en 2015.
A l'international, il couvre aussi pour Géo l’embauche d’intérimaires pour travailler sur les bases américaines d’Irak et d’Afghanistan. Il travaille également sur des sujets sur le monde minier diffusés en sur ARTE, France5.fr ou dans les magazines Le Monde et Marie-Claire.
Son travail a fait l'objet de nombreuses distinctions : le prix Louise Weiss du journalisme européen, le prix Crédit coopératif du meilleur reportage en économie sociale et solidaire ou encore le prix Visa pour l'image-RFI-France24.
Bertrand Dévé est un réalisateur de pubs, fictions courtes et documentaires. Il est producteur chez Yes Sir Films et co-réalise Sarcellopolis avec Sébastien Daycard-Heid.
Le film s’ouvre sur un enchaînement de prises de vues de la ville. Les réalisateurs ont choisi une image stylisée pour filmer les rues, les routes, les immeubles, les quartiers. Choix des focales (les lentilles montées sur la caméra qui donnent une impression de flou ou au contraire qui permettent une grande netteté), effets de ralenti, mouvements en travelling (la caméra se déplace latéralement), effets de flair (la caméra capte les rayons du soleil qui viennent créer un tracé lumineux), les images sont très composées, travaillées, afin de sublimer la ville et la sortir de l’imagerie terne et morne dans laquelle l’enferment parfois les médias. Sarcelles est le personnage principal du film.
La question centrale de « Sarcellopolis » est celle du vivre-ensemble. Elle est, dès le début du film, mise en image : nous sommes dans le bus, un transport en commun, lieu de transition qui parcourt la ville dans lequel coexiste une véritable mixité sociale. Puis la caméra se déplace parmi la foule d’un marché qui apparaît comme un haut lieu de métissage et de brassage culturel.
Pourtant, le sentiment général des divers intervenants qui jalonnent le documentaire est celui de la nostalgie d’un temps où les gens étaient véritablement mélangés. Dans les années 60, cadres, avocats et ouvriers habitaient les mêmes immeubles : des photos d’archive témoignent d’une vie de quartier conviviale et festive où les gens ne se contentaient pas de se croiser dans des lieux publics. « De 1960 à 1975, on a vraiment vécu ensemble » raconte l’artiste sarcellois Gilles Ouaki.
Une femme témoigne d'un brassage ethnique qui s'est perdu. Sarcelles s'est divisée en quartiers, les gens ne se mélangent plus. Une autre raconte : « avant on s’en foutait d’où on venait ». Le cofondateur de la communauté juive de Sarcelles nous rappelle que dans les années 60 tout le monde se rassemblait autour de l'apéritif, peu importe la confession où le pays d’origine : « l’anisette et la convivialité » prédominaient. Mais est-ce que vivre ensemble, c’est boire ensemble ? Est-ce que l’apéro et la fête de quartier doivent rester l’archétype d’une imagerie de l’utopie sociale réalisée ? Le vivre-ensemble est peut-être, au-delà de l’anisette et de la convivialité, une question de respect de l’autre et de tolérance.
Malgré cette utopie de mixité sociale qui a fait de Sarcelles un symbole du vivre-ensemble dans les années 60, les médias s’en sont pris à la ville, victime d’incessantes attaques dont le but était d’alimenter la presse sensationnaliste. On parle même d’une maladie des grands ensembles, la « sarcellite », qui désigne un quotidien morose, gris, stagnant et sans joie. Des archives vidéo montrent une femme qui témoigne face aux caméras du journal télévisé de l’époque : « c’est pas une ville, c’est un amalgame de bâtiments ». La cité de béton, construite en un temps record, ne renvoie pas l’image du bonheur.
Contre cette représentation de leur ville, les Sarcellois, fiers, s’unissent pour changer l’image de leurs quartiers. Ils s'organisent en associations et créent des lieux de vie culturels : bibliothèque, cinéma, forum des Cholettes...
Sarcelles, terre d’accueil des mal logés, devient également celle des vagues d’immigration qui ont trouvé asile en France au cours des années 60 : immigration algérienne en 1960, juive-tunisienne en 1967. Sarcelles devient une utopie sociale où on peut reconstruire sa vie dans le confort des appartements modernes et la richesse de la diversité des populations ; une femme réfugiée politique assyro-chaldéeene raconte son calvaire avant d'arriver en France et de commencer une nouvelle vie à Sarcelles, un El Dorado urbain moderne. Comment l’utopie s’est-elle perdue ? Qu’est-ce qui a conduit à cette division dont témoignent les intervenants ?
Le documentaire revient à l’origine de ce grand ensemble pour tenter de saisir les raisons de cette évolution. Dans la France de l'après-guerre, il manque plus de 500 000 habitats et beaucoup de Français vivent dans la précarité de logement. Il faut construire, et vite. L'Etat missionne alors la Caisse des Dépôts et Consignation pour cette tâche, qui a peu d’expérience en la matière mais les fonds nécessaires pour accélérer le processus. « Vaincre le taudis, prendre notre revanche sur le manque de confort et sur la laideur » promet le Commissaire à la construction et à l'urbanisme en 1958.
Des archives nous montrent la ville de Sarcelles avant cette drastique et expéditive rénovation urbaine. C’est à l’époque un village de moins de 10 000 habitants. Les années 60 voient s’édifier des logements HLM synonymes de confort pour les classes moyennes. Sarcelles se métamorphose : en quelques années, le petit village devient une ville moderne. On construit rapidement, et pour pas cher, des dizaines de quartiers sans véritable projet d'ensemble. C'est la naissance du tout premier "grand ensemble". Dés 1962, Sarcelles compte 33 000 habitants. Au milieu des années 60, l’immigration du Maghreb et d’Afrique vient alimenter la population, en plus de l’immigration algérienne du début de la décennie. De jeunes immigrés viennent travailler ou étudier en France dans le cadre d'accords bilatéraux.
François Pupponi, maire de Sarcelles depuis 1997, explique l’évolution de la ville et la fin de l’utopie sociale : « fin des années 1980, quelque chose bascule, il y a un changement de population ». La caisse des Dépôts et Consignations, qui a construit le grand ensemble, n'a pas tenu ses promesses et les bâtiments n’ont pas été entretenus. Des dégradations deviennent visibles dès les années 80. La classe moyenne finit par déserter Sarcelles face à ces dégradations qui persistent, au moment où la Caisse des Dépôts décide de doubler les loyers des HLM.
Un architecte urbaniste prend le relais pour nous raconter que Sarcelles devient alors le ghetto des misères du monde. Toutes les minorités réfugiées sont placées à Sarcelles, entretenant un cycle de pauvreté qui précarise une ville constituée maintenant majoritairement de classes sociales défavorisées. A partir de ce moment, les quartiers se divisent. Quartier défavorisé de l’immigration africaine, quartier juif...« on ne peut pas exclure le fait communautaire » explique un sociologue qui siège au Conseil de France.
Dans des archives d'époque, une femme de confession juive témoigne : « le lien avec la communauté juive est une nécessité. C'est un besoin d'identification ». Dans une ville nouvelle, qui n'a donc pas d'histoire qu'on peut s'approprier, chacun se replie sur l'histoire de sa communauté. La crise identitaire que connaissent les habitants de Sarcelles ne vient pas du brassage ethnique, de la diversité qui étiolerait les valeurs françaises républicaines, mais de l'échec de la construction d'une vision commune organisée autour du vivre-ensemble.
Cet échec a eu pour conséquence la progressive division des communautés qui se sont refermées sur elles-mêmes, chacune ayant son histoire et ses acquis culturels, afin que chacun puisse se reconnaître en quelque chose et trouver son identité. Quand la ville ne parvient pas à faire communauté, qu’elle ne parvient pas à souder les habitants en tant que groupe citoyen, le repli communautariste gagne du terrain car il crée un sentiment de sécurité, d'appartenance, d'identité. Le jeune fils de cette femme juive l’explique avec une grande pertinence dans la vidéo d'archive : « Sarcelles n'a pas d'histoire en elle-même, Sarcelles est neuve donc c'est plus facile de se retrouver entre juifs car il y a une histoire commune beaucoup plus grande ».
De la même façon, la communauté sarcelloise assyro-chaldéenne s’est organisée autour de son Eglise après s’être exilée de Turquie, afin de retrouver ses racines. Ces communautés tentent de recréer le patrimoine culturel de leurs pays au sein même de Sarcelles, « ville-monde », « ville-Babylone » qui regroupe plus de 90 communautés pour 60 000 habitants. Une jeune sarcelloise assyro-chaldéenne témoigne : « quand on parle de communauté en France ça fait peur. Moi je comprends pas du tout parce que c'est une force pour moi ». Il y a une entraide au sein de la communauté, une entraide sélective, élective. La communauté devient famille, et la ville comme groupe de citoyens soudés prêts à agir ensemble et politiser ensemble s'est dissoute en clans institutionnalisés : chacun sa religion, chacun son réseau d'entraide, chacun son quartier, chacun son identité, chacun son Sarcelles.
Tandis qu’un professeur de lycée d’hier nous raconte la diversité de son époque et l’absence même du terme « communauté », un proviseur de lycée d’aujourd’hui déplore que chacun rentre dans sa communauté après les cours. L'école, haut lieu du vivre-ensemble, semble être à Sarcelles une « mixité cordiale », un mélange temporaire qui prend fin après la dernière sonnerie de la journée.
La communauté juive s'est, elle, tournée vers l'enseignement privé. L'établissement, réservé aux enfants juifs, est entouré de murs de bétons et est gardé par des militaires. « Un vrai bunker » comme nous dit un ancien élève de cette même école. « Au bout d'un moment, on a peur des gens qui sont à l'extérieur, ceux qui ne sont pas juifs ». Il soulève le paradoxe entre une nécessité de se protéger - la communauté juive est perpétuellement la cible de préjugés et de menaces - et en même temps l’animosité et la peur de l’autre que peut engendrer ce cloisonnement, qui contribue à creuser le fossé entre les communautés.
Car lorsque les gens ne se rencontrent pas, les préjugés et les craintes prévalent. C'est l'humanité des gens qui désamorcent les idées reçues. Sans rencontres, il n’y a que des imageries, des postulats. Des fantasmes.
Pour Nabil, militant associatif, ce « fait communautaire » ne peut être séparé d’un « apartheid social » : les quartiers les plus défavorisés sont ceux composés de populations issues de l’immigration. « Ça fait trente ans qu’il y a 30 à 40 % de chômage dans ces quartiers ». Pendant son témoignage, la caméra filme des jeunes du quartier qui jouent au football. La prise de vue se fait derrière un grillage qui vient barrer le cadre comme pour évoquer une prison. C’est l’expression visuelle d’un horizon bouché, d’une jeunesse dont l’avenir est barré.
Cette « apartheid social » se fait sentir également chez les sarcellois plus âgés. Un homme issu de l’immigration algérienne qui décrivait les années 60 à Sarcelles comme les plus belles de sa vie témoigne avec mélancolie de son esseulement : « les gens ne se rencontrent plus ». Il trompe sa solitude au centre social des Sablons.
Tandis que la communauté assyro-chaldéenne s'est regroupée au « village », en-dehors du grand ensemble, les barres d'immeuble au quartier des Sablons sont progressivement détruites et remplacées par des résidences sécurisées, gardées par des têtes de pharaons, qui font comme un symbole qui accentue le malaise social en soulignant la différence de classe entre les habitants. On se barricade à l'intérieur même du quartier pour se protéger d’une précarité ambiante. Le communautarisme religieux se couple donc à un communautarisme de classe sociale. Pourtant, l’ancien élève de l’établissement pour enfants de confession juive relativise : « Les communautés vivent encore de manière assez paisible. Il y a une peur réciproque, mais il n'y a pas de bagarres inter-religieuses. Les gens continuent à vivre ensemble ».
Malgré cette paix apparente, des tensions sociales sous-tendent les rapports entre les communautés. Un boucher relate : « je me suis fait agresser trois fois parce que je vends du porc sur le marché ». Mais rien n’est jamais univoque : à côté de ces dérives religieuses, d'autres jeunes issues des minorités islamiques n'hésitent pas à travailler à la boucherie.
Une colère sourde gronde à Sarcelles. Colère des minorités précaires dont le ressentiment pour les communautés plus installées grandit, colère des habitants qui se retrouvent au milieu d’une crise identitaire religieuse. La division des communautés en quartiers créent un sentiment d’injustice d’où émergent des stigmatisations. Une sarcelloise raconte que les quartiers juifs sont bien entretenus alors que d'autres quartiers sont quasiment laissés à l'abandon : « on va toujours favoriser certains secteurs, malheureusement. C'est ce qu'on ressent au quotidien et c'est ce qu'on vit au quotidien ». Les crèches communautaires se multiplient, tandis que les crèches publiques manquent.
Le montage laisse au maire la possibilité de répliquer face à se discours ; le film tente d’instaurer - de restaurer - à travers la juxtaposition des images, un dialogue. « Toutes les écoles des quartiers populaires sont neuves, toutes les écoles des quartiers des classes moyennes sont vieilles et non rénovées ». C'est avec l'argent des impôts des classes moyennes, incarnées dans le film par les communautés juives et assyro-chaldéennes, qu'on rénove les écoles des quartiers défavorisés, en échange d'assurer la sécurité des différents cultes religieux. C’est un pacte social.
Selon le sociologue, ce pacte social qui lie intimement politique et cultes religieux est au prix d’un sentiment de rejet de minorités, notamment issues de l’Islam, qui ont la sensation de ne pas être représentées et d’avoir été abandonnées par la République.
Les communautés les plus organisées contribuent au développement économique de la ville et sont intégrées aux listes électorales pour être représentées. L'argent fait gagner le droit de participer à la vie politique – là encore, le communautarisme religieux ne peut être pensé sans les conflits de classes sociales. Un membre de la communauté assyro-chaldéenne explique : « les assyro-chaldéens ont toujours été des commerçants, ils aiment, dés qu'ils en ont la possibilité, lancer leur propre boîte. Ils investissent tout ce qu'ils ont à Sarcelles. Les maires ou les élus ne peuvent pas éluder ces communautés ». Reste la question d’autres communautés qui pourraient avoir la même envie de s’investir, mais peut-être pas les moyens nécessaires.
Les élus et candidats prennent la parole lors des fêtes et cultes religieux : « on a un modèle à Sarcelles qu'on appelle la laïcité sarcelloise. Le rôle de la République c'est de permettre à chacun de vivre sa religion » rassure le maire face à la communauté juive, une Kippa sur la tête. L’adhésion des communautés religieuses qui fondent la classe moyenne sarcelloise est un enjeu électoral.
« Moi je paye pas des impôts pour favoriser le repli communautaire » dit Nabil. Il était l'organisateur de la manifestation pro-palestinienne du 20 juillet 2014, qui a dégénéré en émeute antisémite - expression des tensions sociales et religieuses dont la ville est victime. Conséquence d’une division où, chacune dans leur coin, les communautés fantasment l'autre comme un ennemi. Il y a nécessité de retrouver le vivre-ensemble pour casser le communautarisme et voir le tout un chacun comme semblable à soi, dans le respect de ses particularités.
Malgré les émeutes, Nabil revendique son droit de manifester pour la paix. Il est attaqué en justice par le Maire suite aux événements du 20 juillet. C’est notre ancien élève de l’établissement pour jeune de confession juive, aujourd’hui avocat, qui prend sa défense. « C'est parce que je suis Juif que je dois le défendre. Je dois restaurer un dialogue ». Nabil s'est aujourd’hui engagé dans sa ville. Il a monté une liste citoyenne pour les élections cantonales. « On est fiers de nos origines mais on est aussi des citoyens français à part entière ».
Dans les années 90, Sarcelles est le berceau du rap français. Doc Gynéco, Stomy Bugsy, Ministère AMER et Passi y font leurs débuts. Le Forum des Cholettes est alors un lieu emblématique de cette culture rap/Hip-hop, et une génération passée sous silence trouve moyen de s’exprimer à travers la musique. C’est un nouveau courant d’identification pour une jeunesse qui peut se reconnaître dans un mouvement autre que celui des communautés religieuses.
Le forum ferme en 1995. Un acteur de l’époque témoigne d’une effervescence qui en a souffert : « on s'est retranché dans les cités, et les gens osaient moins y entrer. Au forum, tout le monde venait ». L’homme marche seul sur le toit du forum, qui, abandonné aux mauvaises herbes, est filmé comme un vestige. Un effet de ralenti, couplé à des cadrages larges, vient exprimer toute la nostalgie d’une époque.
Pour Gilles Ouaki, l'enfant de Sarcelles qui a pu réaliser ses rêves et devenir artiste, la culture est le meilleur rempart contre le communautarisme. Lui-même s’est construit, dans les années 60, grâce à la Maison des Jeunes et de la Culture de Sarcelles qui fut un pilier pour toute une jeunesse en errance. « Le pire pour un jeune, c’est d’être dans l’errance, c’est l’oisiveté ». Il aimerait aujourd’hui que plus de jeunes puissent, comme lui, « passer entre les mailles du filet ».
Le cinéma ferme quelques années après le forum. La culture abandonne Sarcelles. La ville se désactive, dans le sens où il n’y a plus d’activité pour occuper une jeunesse qui a besoin de mouvement pour ne pas sombrer dans l’immobilisme du repli communautaire. « Quelqu'un qui se cultive, il peut pas être mauvais, dit Gilles Ouaki. La culture transforme l'oisiveté, c'est un char d'assaut ». La culture est moteur de lien social, elle favorise la rencontre. Mais le maire manque de moyen pour ré-impulser la communauté citoyenne : « Sarcelles est la quatrième ville la plus pauvre de France ». La voix off s'interroge alors : « Sarcelles aurait recours au communautarisme car ses élus n'ont rien d'autre à proposer pour maintenir la cohésion sociale ? »
« Il faut inventer une nouvelle voie » s’enthousiasme le sociologue. Imposer les valeurs universelles républicaines, et en même temps reconnaître les particularismes culturels. Le mot de la fin est laissé à la jeunesse : c’est sur elle que repose le vivre-ensemble de demain. La jeune lycéenne qui était la première à intervenir dans le film est également celle qui le clôture : tout commence et se termine avec la nouvelle génération.
La caméra filme cette jeunesse au ralenti, pour la mettre en valeur, souligner son importance. Pour accentuer, aussi, l’idée de mouvement : cette génération ne sera pas celle de l’immobilisme. « Ça dépend pas de nos origines. Ça dépend de la personne qu'on est ».
- Qu’est-ce qu’un « grand ensemble » ?
- Le « repli communautariste » dont parle le film est-il un danger pour la paix social ?
- Quelle a été l’évolution des populations sarcelloises de 1960 à 2014 ?
- Pourquoi l’établissement scolaire pour élèves de confessions juives est-il barricadé comme un « bunker » ?
- Pourquoi peut-on parler d’« apartheid social » à Sarcelles ?
- En prenant l’exemple du film, pouvez-vous dire quel impact a la vie culturelle sur le développement de la jeunesse dans une ville ?
- En quoi le politique et le religieux sont-ils intimement liés à Sarcelles ?
- Dans quelles mains les réalisateurs du film placent-ils leurs espoirs pour l’avenir de Sarcelles ?
- Sarcellopolis est un projet transmédia : il existe également sous forme de documentaire radio et de webdocumentaire interactif. Cliquez ici pour découvrir le webdoc interactif.
- Le titre du film est un hommage au livre du même nom écrit par Marc Bernard. Durant l’hiver 1963, l’écrivain Marc Bernard est envoyé à Sarcelles par son éditeur. Sa mission : s’installer durant trois mois dans cette ville nouvelle, dans ce grand ensemble flambant neuf et en ramener un livre de témoignage.
- Sébastien Daycard-Hei a fait une résidence à Sarcelles en 2010 dans le cadre d’un projet photographique. C’est là qu’il a décidé de monter un projet documentaire pour parler de cette « ville-monde ».