La diversité pour mieux raconter la France

Mieux raconter les France pour mieux écrire notre futur !

Partout, la diversité française devrait jaillir, scintiller, resplendir. Sur nos écrans, la pluralité de la France et de ses habitants de toutes croyances, de toutes origines géographiques ou sociales, devrait nous saisir par son évidence. Une synthèse de toutes les France. S’il y en avait une.

Alors que fin 2005 les banlieues asphyxiées s’enflamment, réconcilier toutes les France devient une priorité. C’est le sens de la Commission Images de la diversité que j’ai eu l’honneur de présider depuis sa création, au sein du CNC et de l’ACSE, avec l’ambitieuse mission de s’attaquer aux préjugés, aux racismes et aux discriminations dans les représentations.

Depuis, 10 années de création se sont écoulées : de mobilisation, de sensibilisation des décideurs. 10 ans de soutien à des centaines de productions et d’artistes qui montrent à l’écran la réalité complexe et le visage multicolore de notre pays. Mieux raconter les France pour mieux écrire notre futur !

Au cinéma, notre aide a payé, et pas qu’une fois. En 2007, lorsqu’ Indigènes reçoit plusieurs récompenses à Cannes et aux Césars. En 2008, où la Palme d’or est remise à l’unanimité à Entre les murs. Tant de talents ont émergé, éclatants comme pour Divines d’Houda Benyamina et sa Caméra d’or 2016, ou Fatima de Philippe Faucon, César du meilleur film 2016, et tant d’autres encore aidés par la Commission Images de la diversité !

Cette reconnaissance est immense car nous avons affronté tous les thèmes réputés impossibles : des banlieues à l’immigration, des discriminations sociales aux discriminations géographiques, du racisme ordinaire au devoir de mémoire. Plus encore, les téléspectateurs eux-mêmes plébiscitaient aussi certaines fictions en prime time au-delà de toutes idées préconçues. Comme pour Fais danser la poussière, record d’audience sur France 2, pour la série Aïcha ou le portrait du révolutionnaire Toussaint Louverture.

Pourtant, depuis 2005, trop peu de choses ont changé.

Promouvoir le concept de « diversité » ne suffit plus. D’ailleurs n’est-il pas devenu lui-même stéréotypant ? La diversité ne demeure-t-il pas le synonyme de cette partie de la France ignorée et méprisée ? Ne devrait-on pas parler de pluralité, et valoriser ainsi l’égalité des citoyens français ?

Le contexte culturel et historique s’est tendu. En 2017, il faut désormais bousculer en profondeur les représentations, raconter notre histoire, celle de toutes les France, y compris des minorités, de l’immigration et des jeunes sous tension. Il faut réécrire ensemble notre « Roman français » et lui redonner un avenir commun.

Des « minorités visibles » dans tous les rôles et pas seulement dans les seconds ! Oui, quelques artistes exceptionnels comme Rachida Brakni, Omar Sy, Tahar Rahim ou Jamel Debbouze, pour ne citer que quelques-uns des acteurs bankable du cinéma Français, ont déjà brisé le plafond de verre. Mais force est de constater que nous n’avons rien de comparable en profondeur à opposer aux héros populaires américains dont la diver sité rayonne sur tous nos écrans.

C’est plus que jamais au cinéma et à la télévision de mieux nous représenter et d’illuminer notre réalité. Les talents d’auteurs, de réalisateurs et de producteurs sont là ! Mais nous devons avec eux, raconter et faire partager encore plus les chocs, les difficultés et les espoirs de tous les français ! Bref, notre création doit raconter nos histoires maintenant, faire de tous les enfants de la diversité des Français à part entière et, pour paraphraser Aimé Césaire, pas simplement des Français « entièrement à part »...

Nous le savons, les industries créatives nourrissent l’imaginaire collectif. Elles sont le miroir tendu à nos rêves, à nos cauchemars ou à nos vérités. Paradoxalement, la très décriée téléréalité en est la parfaite illustration. La téléréalité si populaire, voire vulgaire, est plus métissée et reflète « naturellement » toutes les composantes de la population, bien plus que notre cinéma et nos fictions !

Sans représentation et partage de nos histoires communes, pas de contrat social réel, pas de cohésion nationale. Pour nous connecter avec la psyché de la France d’aujourd’hui nous devons raconter toutes nos richesses de France, sinon ce sont les représentations américaines qui deviendront les références uniques de notre jeunesse et de son imaginaire. Défendre la diversité c'est aussi défendre la diversité culturelle de la France et son identité plurielle. Faudra-t-il en passer par un système de quotas pour arriver à une représentation juste de cette diversité ?

Représenter nos diversités, c’est aussi une opportunité de succès. N’oublions pas que nous avons célébré le triomphe d’Intouchable qui a rassemblé les foules autour de ses valeurs humanistes, faisant d’Omar Sy l’acteur préféré des Français ! Nous avons également été témoins de l’immense réussite du controversé Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? Ces films populaires reposent tous les deux sur des univers multiculturels et multiethniques confrontant tous les préjugés. Et chaque année nous amène sa surprise du box-office avec des histoires venues des communautés qui nous composent : portugaise avec La Cage dorée ou antil - laise avec La Première Étoile.

Édifier ce lien mystérieux qui nous relie aux personnages de notre diversité française, c’est au final valoriser tous les quotidiens et les faire partager à tous sans distinctions d’origine. C’est être riches et fiers de nos héritages communs et atteindre l’universel au coin de la rue.

Reste à déterminer : comment parvenir à montrer ces multiples facettes qui composent la France ? En donnant aux artistes les moyens d’imaginer, et aux décideurs l’envie de renouveler fictions et films et d’oser une représentation du monde qui reflète l’immense richesse de notre synthèse française. Pour rendre la France meilleure encore, et plus belle !

Alexandre Michelin, président de la Commission Images de la diversité de 2007 à 2016