Revoir Cergy

Un homme va à la rencontre d’habitants qui ont, comme lui, l’âge de la ville dans laquelle ils ont grandi. Il retourne sur les lieux qui lui sont attachés et revient ainsi sur l’étrange expérience qu’a représenté pour les gens de sa génération le fait de grandir dans cette ville créée au milieu des champs dans les années 70.

Public ciblé: 
Tout public
Genre: 
Documentaire
Durée: 
37 minutes
Langue: 
Français
Lieu Concerné - ville: 
95000 - CERGY
Date de sortie: 
2012
Réalisateur / Réalisatrice: 
Marie-Elise Beyne
Production: 
Macalube Films

Cliquez ici pour voir le film sur film sur Viméo.

 

Contactez la société de production du film :

MACALUBE FILMS

Anne-Catherine Witt

Tél : 33 (0)1 43 14 23 50

macalubefilms@gmail.com

21, place de la République 75 003 Paris

1. Regard singulier sur Cergy,

2. Poésie mélancolique,

3. Sentiment d’étrangeté.

Que se passe-t-il quand on revient à Cergy, ville nouvelle bâtie sur des champs dans les années 70 ? Qu’est-ce qui nous rattache à la ville d’où on vient et quel regard poser lorsqu’on y retourne ?

À travers ces interrogations, la réalisatrice raconte l’histoire de Cergy-Pontoise, son élargissement progressif, et dresse le portrait mélancolique d’une banlieue à laquelle on est fier d’appartenir.

Diffusion :

Lyon Capitale Tv

Forum des Images (Paris)

Catalogue de l’ADAV

« A partir de quel moment peut-on se dire de quelque part ? Quand ne dénote-t-on plus dans le paysage ? », Marie-Elise Beyne.

Marie-Elise Beyne a été assistante réalisation, puis directrice de production, avant de réaliser ses propres documentaires et de se consacrer à la photographie.

Un train de banlieue, le paysage défile. Sur la vitre, une carte sommaire du Maroc gravée à côté d’un drapeau au tracé maladroit, qui se superposent au paysage. Deux lieux reliés par l’image, un « ici » et un « ailleurs » rêvé, le paysage de campagne de banlieue et le « bled » où on fantasme de retourner.

« Revoir Cergy », le titre exprime un retour dans un lieu qu’on a quitté. Pour le personnage, cet homme qui parle en voix off sur un ton monocorde, Cergy est devenue une ville étrangère, dont il faut se réapproprier l’histoire à travers les témoignages d’hommes nés avec la ville, qui ont été des témoins directs de son évolution.

Cergy est une ville remplie de passerelles, aussi bien physiques (elles relient les quartiers de la ville) que métaphoriques : des passerelles entre des gens de tous horizons qui vivent les uns à côté des autres. Mais, paradoxalement, c’est une ville où les gens se rencontrent peu. Une ville qui semble dans le film inanimée, immobile et presque déserte. Comme si le temps s’était arrêté. Des graffitis à moitié effacés par le temps sur les murs semblent là depuis toujours. Les plans larges et fixes (c’est-à-dire que la réalisatrice laisse beaucoup d’espace dans le cadre et que la caméra ne bouge pas), sans dialogues audibles, accentuent cette sensation d'immobilité et de vide. Même lorsqu’il y a des présences humaines dans le cadre, l’image semble vide.

Dans le centre commercial des Trois Fontaines, qui canalise toute l’activité de la ville, la réalisatrice capte moins les gens qui vont et viennent que ceux qui s’arrêtent, immobiles, pour contempler l’agitation lente, le flux et reflux impersonnel des consommateurs. La caméra bouge pour la première fois lorsqu’elle suit les mouvements des jeunes patineurs sur glace. L’entraîneur et un autre homme restent en retrait, sur les gradins, passifs et immobiles comme les contemplateurs du centre commercial.

Cette sensation de stagnation confère aux images un aspect étrange, comme déconnecté du rythme du monde. « J'étais submergé par un sentiment d'étrangeté » nous dit la voix off. C’est ce sentiment que le travail sur les cadrages essaye de reproduire, accompagné par une musique inquiète, en isolant avec la caméra des lieux, des passerelles perdues entre deux quartiers, des immeubles aux formes improbables. La réalisatrice va chercher des formes isolées au milieu d'un décor : un arbre solitaire, un kiosque au milieu d'une esplanade, deux chaises vides qui n'attendent personne. Un sentiment d’incongruité naît alors par-dessus celui de l’étrangeté.

Le pont sous le RER A était le lieu des tags, des joints et des cocktails molotovs. A Cergy Sud, les classes sociales étaient réparties par quartiers avant que la ville ne s’agrandisse. Puis les différents quartiers de Cergy sont devenus ennemis, tout en étant contre les autres banlieues. Le film raconte une jeunesse qui s’est toujours construite « contre », et jamais « avec ». Cergy était une ville nouvelle, donc une ville sans histoire, vierge d’histoire sur laquelle se reposer et se construire. Il a fallu s'inventer une identité, et les jeunes des années 1990 se sont tournés vers la culture américaine, influencés par le Hip-hop et le monde du graffiti.

Si la réalisatrice fige le temps, c’est justement parce que la banlieue est toujours en reconstruction, toujours mouvante. Elle capte la mélancolie paradoxale d’un lieu figé et toujours changeant. Le quartier de La Croix Petit a été détruit pour reconstruire plus de logements sociaux. L'histoire de ces villes nouvelles est faite de destructions et de reconstructions. Face aux immeubles délabrés et aux relogements parfois complexes, un idéal commun se développe autour de l’image de la plage sous les cocotiers, en opposition aux vestiges des immeubles délabrés. « La vie de rêve » comme dit le jeune pris en photo, reprenant ainsi la phrase de Tony Montana dans « Scarface » (et qui dénote l’importance de la culture du cinéma américain dans les banlieues).

La réalisatrice ne filme pas une ville comme une étrangère mais pose le regard de celle qui y revient. « Y'a une certaine fierté des gens d'être cergyssois. Y'a une attache sentimentale au territoire. Tous les gens quand ils s'en vont, ils ont tous quelque chose qui les rattache et qui les ramène à Cergy ». C'est l'expérience que fait la réalisatrice. Elle pose un regard lent et mélancolique sur sa ville, elle s’attarde sur les lieux qui la composent, cherche ce qui en fait sa singularité. En filmant de manière récurrente les arbres, elle semble convoquer la métaphore des racines, ce qui définit l’appartenance à un sol, à un lieu.

Les photos des immeubles abandonnés poursuivent cette quête d’une banlieue qui est déjà mélancolique d’elle-même, toujours en reconstruction, donc toujours en voie de disparition. Au final, la voix off livre la manière dont la réalisatrice a envisagé son film : « aucune description, aucun récit non plus. Juste des instants, des rencontres ».

– Pourquoi dit-on que Cergy est une « ville nouvelle » ?

– Quels sont les points communs des hommes qui témoignent devant la caméra ?

– Comment la réalisatrice fait-elle naître le sentiment de la mélancolie et de l’étrangeté ?

« Revoir Cergy » a été développé en résidence d’écriture à l’École documentaire de Lussas.