Une stagiaire sur le tournage d’un film doit vite aller faire ouvrir les volets d’une maison au loin…
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1. Mise en scène efficace,
2. Surprenant,
3. Emouvant.
« Je tiens à insister sur le fait que ce film n’est pas du tout un film sur le cinéma » a dit le réalisateur Lyèce Boukhitine. « Les volets » est en effet un film sur la rencontre improbable, incongrue, entre une stagiaire exploitée et une famille d’origine africaine en deuil.
Bien qu’évoluant dans deux réalités très différentes, les personnages parviennent, presque malgré eux, à entrer dans un état de communion, de partage d’une douleur commune, sans jugement. Les différences s’effacent devant le chagrin, qui est universel, et devant la capacité de tout un chacun de donner un peu de son humanité, pour atténuer le chagrin de l’autre.
Festivals :
En France :
Clermont-Ferrand,
Brest,
Pantin,
Grenoble,
Montpellier,
Nancy,
Lama,
Gindou,
St Benoît de la Réunion,
Pau,
Nevers,
Moulins,
Gonfreville,
St Quentin,
Sarlat,
Rouen,
St Paul 3 Châteaux,
Biennale des Cinémas Arabes à Paris,
Fréjus,
Lunel,
La Bourboule,
Show Case Kodak Festival de Cannes 2006.
A l’étranger :
Los Angeles (USA),
Capalbio (Italie),
FICFA (Québec),
Amman (Jordanie),
Mecal (Espagne),
Ismaïla (Egypte),
Genève (Suisse),
Braunschweig (Allemagne),
Medfilm (Rome),
Vilnius (Lituanie),
Rotterdam (Pays Bas),
Londres (GB),
Tétouan (Maroc),
Washington (USA),
Aspen (USA,)
Almeria (Espagne),
Tabor (Croatie),
Juste pour Rire (Québec),
Detmold (Allemagne),
Bealtaine (Irlande).
Prix :
Meilleure image, Festival de Vendôme,
Meilleur réalisateur, Festival Off Courts de Trouville,
Prix du public du Festival de Brie-Comte-Robert,
Meilleur court-métrage au Cork Film Festival 2006 (Ireland).
Nominations :
Nommé au Prix Gras Savoye 2006,
Nommé aux Lutins 2007. Nommé au Meilleur court-métrage des Césars 2007
Diffusions TV :
France 3,
PBS & Cox Cable (USA),
TSR (Suisse),
BS TV (Australie),
RTP (Portugal),
ZDF (Allemagne).
Jeanne est stagiaire sur le tournage d’un film. Alors qu'elle prépare des sandwichs, l’acteur arrive et se plaint : il avait demandé des œufs mimosas. Le premier assistant vient le chercher, il faut se mettre en place pour la scène. Effervescence sur le plateau, on se prépare à filmer pendant que Jeanne distribue timidement ses sandwichs.
Mais quelque chose ne va pas : au loin, une maison a ses volets fermés. Et cela ne plaît pas au réalisateur. C’est Jeanne qu’on envoie pour les faire ouvrir. Elle doit couper à travers champ, déchirant sa veste sur les fils barbelés, bravant les vaches, pour finalement venir frapper aux volets clos.
Lorsqu’elle entre dans la maison, elle découvre une famille d’origine africaine qui veille un mort dont le corps repose sur le lit, sous un linceul. Jeanne essaie de leur expliquer, maladroitement, qu’elle a besoin qu’ils ouvrent leurs volets pour qu’ils puissent tourner la scène du film. Mais ils sont en deuil, et la tradition exige que les volets restent fermés.
En regardant le visage du mort, Jeanne revit alors mentalement l’enterrement de son propre grand-père : c’est lui qu’elle voit allongé sur le lit. L’émotion s’empare d’elle, et elle fond en larmes dans les bras de la femme qui lui a ouvert la porte. La femme, surprise, laisse Jeanne pleurer contre son épaule. Elle comprend son chagrin.
Jeanne ressort de la maison. Un sourire gagne ses lèvres lorsqu’elle se rend compte que les volets ont été ouverts. L’assistant du réalisateur lui signale qu’ils ont finalement changé d’angle de prise de vue – elle a fait tout ça pour rien. Mais sur le visage de Jeanne continue de se dessiner un sourire.
Né en 1965 dans la région lyonnaise, Lyèce Boukhitine a suivi une formation de comédien à Lyon avant de passer à la réalisation de court-métrages. Ses films « La vieille barrière » (1999) et « Les Volets » (2005) seront tous deux sélectionnés aux Césars. Il passe au long-métrage en 2001 avec « La Maîtresse en maillot de bain ». Il continue sa carrière d’acteur et joue dans de nombreux téléfilms.
« Les volets » est un film construit en seulement trois « plans », c’est-à-dire qu’il y a uniquement trois prises de vue. On parle de « plans-séquence » : chaque prise vue correspond à une unité de scène, ce qui signifie que l’action entière se déroule à l’image sans montage, sans « coupes ».
Le premier « plan-séquence » nous plonge dans l’effervescence d’un tournage. Le film s’ouvre sur Jeanne qui prépare les sandwichs, ce qui nous informe de sa place dans l’équipe : elle est une « petite main », reléguée aux tâches ingrates. Elle est d’ailleurs rapidement évacuée du cadre : le film se concentre sur la captation de l’énergie du plateau de tournage, et les rapports de force qui s’y jouent. Un acteur-star qui exige des œufs mimosas, l’actrice qui a l’air dépitée de devoir jouer avec lui, l’assistant réalisateur qui bouge dans tous les sens, et un réalisateur statique, stoïque et tout-puissant, seul vêtu d’une simple chemise en lin lorsque tous les autres sont emmitouflés dans des parkas. Un sentiment de tension et d’absurdité naît de la découverte, dans la longueur du plan, de cet univers parcouru par la caméra.
Jeanne réinvestit alors le cadre, au moment où le personnage du réalisateur en sort. Elle devient le personnage principal lorsque l’enjeu du film est prononcé : il faut ouvrir les volets de la maison en bas du champ. Jeanne est suivie au « steadicam », un appareil qui permet de garder de la fluidité dans les mouvements de caméra, mais le cadrage se permet quelques a-coups pour rester dans l’énergie de Jeanne, ses hésitations, ses pauses. Le cadrage est large, il laisse de l’espace pour faire exister l’environnement autour des personnages. Cela permet de capter l’ambiance du plateau de tournage, mais surtout d’inscrire Jeanne dans cette effervescence.
Jeanne doit porter la volonté du réalisateur jusqu’à cette maison aux volets clos, qu’il faut qu’elle fasse ouvrir. Elle quitte la zone du tournage en franchissant des fils barbelés – symboliquement, elle traverse une frontière. Au mur de brique du début du film, lorsque Jeanne préparait les sandwichs, qui bouchait l’horizon, se substitue le champ qui est une ouverture sur un autre monde. Le monde du cinéma, autoritaire et refermé sur lui-même, est maintenant derrière elle, même s’il se rappelle à elle par les agressives et nombreuses invectives transmises par son talkie-walkie.
Le mouvement de caméra n’a toujours pas été coupé – ce travail de la mise en scène dans la longueur du plan créé un suspense et un sentiment d’urgence, appuyé par les appels du talkie-walkie. Jeanne doit de nouveau franchir des barbelés, passant une nouvelle frontière, entrant dans un nouveau territoire.
Le deuxième plan-séquence du film débute lorsque Jeanne entre dans la maison aux volets clos. Une famille d’origine africaine est en plein deuil. L’irruption de Jeanne, chargée de son urgence, vient contraster avec la temporalité du lieu : ici, le temps semble suspendu. La caméra n’est plus en mouvement, l’immobilisme règne. La situation est à la fois inattendue (une famille africaine au beau milieu de la Normandie) et incongrue (Jeanne débarque pour leur parler du tournage d’un film alors qu’ils sont en plein deuil). Placer cette famille africaine dans un décors normand tient un discours sur l’immigration, en sortant une famille d’origine africaine des habituels paysages de banlieues défavorisées où l’imagerie universelle enferme souvent les populations issues de l’immigration.
Le talkie-walkie intervient de nouveau pour accentuer ce décalage entre les deux mondes, entre un temps pressé soumis aux obligations d’un tournage sous tension, et un temps accordé au rituel du deuil dont les volets fermés sont l’expression. Le mouvement de caméra n’est donc plus l’expression d’une mise en tension, de l’accompagnement dans l’urgence, mais au contraire celui d’un esprit qui vagabonde, dans un silence prédominant qui remplace le flot de paroles agressives sur le plateau de tournage.
Le mouvement de caméra vient substituer au deuil de la famille africaine celui du grand-père de Jeanne. Le plan continue dans la longueur, il n’y a pas de coupe, et nous fait passer du mort africain au corps raidi d’un homme blanc, dans la continuité, pour exprimer l’universalité de la douleur de la perte d’un être cher. Le deuil de Jeanne et celui de la famille africaine se confondent, coexistent, ils sont analogues – c’est la même expérience du chagrin.
Alors que le film était fait de barrières à franchir (la porte du jardin dont on interdit l’accès à Jeanne, les barbelés, la porte de la maison), à l’intérieur de cette maison les frontières sont poreuses, les temporalités se confondent.
Jeanne pleure dans les bras de la femme africaine, et cette dernière accueille ce chagrin, reconnaissant une douleur analogue à la sienne. C’est un instant d’humanité, qui transcende les origines culturelles, religieuses et sociales.
Lorsque Jeanne ressort, un troisième plan-séquence débute. Le cadre est plus resserré, moins large que dans la première scène, afin de garder la maison proche de Jeanne à l’arrière-plan. La maison, aux volets toujours fermés, a encore une forte présence dans l’image, pour souligner le lien que Jeanne a tissé avec ses habitants. Le film est une métamorphose en 12 minutes. Jeanne a fait une expérience qui l’a changée. En pleurant face à cette famille d’inconnus, elle leur fait cadeau de son humanité.
La maison sort du cadre tandis que la caméra reste sur le visage de Jeanne. Lorsqu’elle se retourne, les volets sont ouverts. C’est un geste pour aider, une marque de compréhension. Un cadeau pour l’avenir. Même si on signifie à Jeanne que cela n’est finalement pas utile pour le tournage, qu’on a changé l’axe de prise de vue, qu’elle a fait tout ça pour rien. Car en vérité, cela n’aura pas été pour rien. Il y a eu rencontre, partage.
L’ordre initial a été détourné, il est devenu un pacte secret, affectif, entre Jeanne et les habitants de cette maison. C’est pour cela que Jeanne sourit. Elle a gagné bien plus que des volets ouverts.
- Quelles sont les trois parties qui divisent le film ? Quelle est leur point commun dans leur manière d’être filmée ?
- Quelle est la place de Jeanne sur le plateau de tournage ? Comment est-elle traitée par ses collaborateurs ?
- A quel moment se rend-on compte que Jeanne est le personnage principal du film ?
- Quels sont les éléments dans la mise en scène qui accentuent le sentiment de tension et d’urgence ?
- En quoi l’arrivée de Jeanne dans la famille de la maison aux volets clos produit-elle une situation incongrue, décalée ?
- Comment est mis en scène le souvenir du deuil qu’a vécu Jeanne ? Pourquoi selon-vous avoir choisi cette manière de le rendre visible ?
- Quelles sont les valeurs universelles dans le film ? Pourquoi peut-on dire qu’il raconte une rencontre et un partage ?
- Pourquoi Jeanne sourit-elle à la fin du film ?
- L’équipe du film ne disposait que de trois jours pour le tourner. Le premier jour a uniquement servi à faire des répétitions. Le deuxième jour, la pluie les a empêchés de tourner les séquences en extérieur et les prises de vue en intérieur ne fonctionnaient pas bien. Tout ce qui est visible dans le film a donc été tourné le troisième jour, en une seule journée !
- Au moment où la caméra longe le corps enveloppé dans le linceul, la comédienne Jocelyne Desverchère devait rapidement changer de vêtements, car la prise de vue se faisait sans couper. Elle devait par la suite regagner en vitesse sa place en remettant sa veste, pour donner la sensation que le personnage n’avait en réalité pas bougé .