Les roses noires

Le film présente des portraits touchants et sincères de jeunes filles de treize à dix-huit ans qui nous parlent de leur vie en banlieue, du langage de leur cité et de la difficulté d’y exister en tant que femme.

Public ciblé: 
Âge suggéré à partir de 12 ans
Genre: 
Documentaire
Durée: 
53 mn
Langue: 
Français
Lieu Concerné - ville: 
93200 - ST DENIS
13001 - MARSEILLE 01
Date de sortie: 
2012
Réalisateur / Réalisatrice: 
Hélène Milano
Production: 
Comic Strip Production

Consultez le dossier de presse du film et la page internet officielle du film.

 

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Comic Strip Production

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  • 1. Sincérité,
  •  
  • 2. Rejet des clichés,
  •  
  • 3. Panache et force.

Le film donne la parole à des jeunes filles de Saint-Denis et de Marseille. Elles témoignent de leurs difficultés face aux jugements des garçons. Les clichés sur la place de la femme dans la vie en banlieue sont déconstruits.

Le film est un pont entre ces jeunes filles des cités et les spectateurs qui viennent d’un milieu différent. Il permet aussi aux jeunes des cités d’accéder à une prise de conscience : le film leur est tendu comme un miroir.

Festivals : Festival du film d'éducation d'Evreux, Festival de films de femmes de Créteil, Festival du film documentaire de Lussas.

Diffusion Télé : France 3 (2010) Sortie cinéma : 28 novembre 2012

Sortie cinéma : 28 novembre 2012

Adolescentes âgées de 13 à 18 ans, elles vivent en banlieue parisienne ou dans les quartiers nord de Marseille, et toutes disent les mots des garçons. Elles ont la parole et interrogent leur langue et leur rapport au langage. Elles parlent de leur langue maternelle, de la langue de cité, de l’école, de leurs difficultés face au langage normé. Et puis au sein de leur quartier, au-delà des mots des garçons qu’elles disent comme un masque qui les protège, elles dévoilent les enjeux intimes de cette stratégie langagière. Traversant la mutation de l’adolescence, c’est la construction fragile de leur vie de femme qu’elles protègent et inventent.

« Les jeunes filles doivent acquérir le respect, avec tous les enjeux que soulève pour elles le fait de prendre le rôle du garçon. D’autre part, il y a la quête de l’égalité. Il y a une résistance profonde des jeunes filles face à l’injustice qui va s’abattre sur elles, et qu’elles n’acceptent pas. Ce sont les deux mouvements que j’ai sentis en elles. Parler de tout cela à partir des mots, des mots qui sont des révélateurs, s’est alors imposé. Faire un film autour du langage allait chercher du côté de la psychanalyse, de la sociologie, de l’histoire. Il y avait là un moyen pour elles de prendre un peu de distance, et, dans leurs analyses, d’être moins collées à un vécu dans lequel elles ne s’y retrouvaient pas toujours. En réfléchissant sur les mots, elles pouvaient oublier tout le reste » , Hélène Milano.

Hélène Milano, née en 1967 est à la fois actrice, metteuse en scène de théâtre, scénariste et réalisatrice. Après « Nos amours de vieillesse », un premier documentaire réalisé en 2005, elle tourne en 2010 « Rêve de Casaques ». « Les Roses noires », sorti au cinéma en 2012, est son troisième film documentaire. Elle prépare actuellement un nouveau film documentaire qui se concentrera cette fois sur des garçons dans trois lycées professionnels.

Le commentaire de la réalisatrice

« Au travers d'interrogations sur les stratégies langagières d'adolescentes en banlieue parisienne et à Marseille, le film engage un questionnement plus vaste sur la construction de l'identité féminine aux prises avec les enjeux adolescents et sociétaux. Dans la vivacité de leur jeune énergie ces jeunes filles nous font partager l'intelligence de leurs visions pertinentes et de ce qu'elles doivent traverser ainsi que les difficultés qu'elles apprennent à résoudre pour se construire ».

Dans un premier temps, la réalisatrice concentre sa démarche sur la question du langage et interroge ce « langage du quartier » que parlent les jeunes filles, et dont elles nous parlent. Le langage permet chez elles de définir une identité, l’appartenance à une communauté (celle de leur cité). Chaque « langage de quartier » est une réinvention, les mots changent de sens, ils ne sont pas figés – c’est un jeu qui se tisse pour se ré-appropier un langage, et à travers lui une identité qui est la fierté du quartier où on vit. Ce langage, il exprime la solidarité entre les gens, mais également une solidarité contre le reste du monde dont les jeunes se sentent rejetés. Ce langage qui peut réunir peut alors aussi devenir un obstacle : les filles se sentent éloignées des « gens civilisés » comme elles appellent les Parisiens croisés dans le métro, comme s’il y avait un mur entre eux, et regrettent la difficulté de communication entre les deux mondes. Une des jeunes filles se demande pourquoi il n’y a pas plus de mélange, car si chacun reste enfermé sur son langage et son territoire, il est difficile de se rencontrer, et se comprendre. Chacun reste alors bloqué sur l’idée reçue qu’il a de l’autre : la mauvaise image des banlieues véhiculée notamment par les médias, et l’image de « gens civilisés qui les regardent de haut ».

La réalisatrice s’amuse à mélanger les portraits des filles, comme pour chercher les points communs et les différences entre les jeunes filles de la banlieue parisienne et celles de la banlieue marseillaise. Rapidement, on comprend que le discours qu’elles tiennent est partagé, commun.

Toutes vivent cette crise identitaire de la féminité : être une fille, c’est un comportement avant d’être un genre sexué, et pour gagner en liberté, pour être plus libre, il faut devenir un garçon, et donc se comporter comme tel. Un comportement de « garçon manqué » comme elles disent, qui est une façon de se protéger des jugements et des attaques. Se dessine en arrière-plan un environnement violent où on n’a pas le droit d’être faible. « C’est plus un bouclier qu’une arme » dit l’une, « un garçon il peut tout faire », « être une fille, c’est être née avec des problèmes », disent d’autres. Devenir une femme est perçue comme une fatalité qu’il faut combattre. Il faut être forte, masculine.

Mais en se comportant comme les garçons, ces jeunes filles finissent par les comprendre. Elles développent la capacité de naviguer entre le masculin et le féminin, et de s’emparer des deux pour décider de ce qu’elles veulent être. Être une fille et faire de la boxe, c’est possible. Le développement de leur puberté les amène à assumer leur féminité. Mais certains sujets comme le sexe et l’amour restent difficiles à aborder dans les banlieues populaires. La virginité est par exemple autant une fierté, une preuve de confiance vis-à-vis des parents, qu’une obligation sociale. La peur de la réputation est immense dans une cité où tout le monde sait tout. Peur de la famille également, des frères qui brandissent toute émancipation sexuelle comme un interdit, sous peine de jeter la honte sur la famille.

Il faut alors cacher ses formes, cacher sa féminité. Et le film interroge : c’est quoi être une fille ? C’est quoi devenir une femme ? Dans l’intimité créée par les cadrages très rapprochés sur les visages, les jeunes filles se confient sur leurs aspirations : s’émanciper de l’image vulgaire et honteuse que revêt la sexualité, pour la ré-associer à de l’amour, à contrario de la vision des garçons qui transforme les femmes en objets : « Ici ou t’es un bonhomme ou t’es une pute », « Pour eux on est des steaks », « Y’a pas d’amour, pour eux c’est que du porno ».

Le documentaire se termine sur une vision positive qui entretient l’espoir de l’émancipation de ces jeunes filles, notamment à travers les pratiques artistiques et sportives. Le film qui jusqu’ici avait refusé de quitter le visage des jeunes filles, comme pour boire leur parole et voir la pensée s’agiter dans leurs yeux, se termine sur des scènes de danse et de boxe, qui montrent qu’une construction identitaire est à l’œuvre : contre les nombreux plans de blocs de béton et de foule qui parcourent le film et qui donnaient le sentiment d’un enfermement, cette fin nous renvoie à l’idée qu’une forme de libération est possible. Elle se situe, comme lorsqu’une des filles écrit dans son cahier, ou une autre joue au théâtre, dans un processus de création, d’ouverture sur l’autre et de ré-appropriation de soi. L’art et le sport ont ce pouvoir en commun.

- Voyez-vous des différences entre les jeunes filles de Paris et celles de Marseille ?

- C’est quoi un « langage de cité » ? Pourquoi c’est pas le même dans toutes les cités ?

- Est-ce que le langage de cité c’est aussi la langue française ?

- Pourquoi les filles du film doivent agir comme des garçons ?

- Qu’est-ce que ça veut dire « être habillée en fille » ?

- Est-ce que vous pensez que les garçons sont plus libres ?

- Est-ce que la danse c’est pour les filles et le sport pour les garçons ?

- La réalisatrice a fait un important travail de recherche auprès d’éminents sociologues et linguistes sur la question du langage. Sa rencontre avec les adolescentes et leurs discussions ont ensuite déclenché la véritable écriture du film.

- En passant devant un collège, Hélène Milano a assisté à un échange verbal violent entre filles et garçons. Les propos employés par les jeunes filles, et la violence des insultes qu’elles subissaient, a interrogé la réalisatrice. Elle raconte : « Ce jour-là, tandis que je rentrais chez moi, je me suis demandé tout simplement : est-ce qu'on est ce que l'on dit ? Est-ce qu'on dit ce que l'on est ? Est-ce qu'il y a du jeu ? De l'espace entre ? Et le langage peut-il servir de masque ? C'était l'intuition qui me manquait pour que s'organisent toutes mes questions ».

- Avant de tourner son documentaire, Hélène Milano a passé des entretiens non filmés avec de nombreuses jeunes filles. Ces entretiens ont été déterminants dans la conception du film. La confiance s’est donc établie petit à petit, grâce aussi à l’aide très précieuse apportée par les éducateurs et les animateurs durant la prise de contact avec ces adolescentes, qui ont apporté un soutien sans faille à la réalisatrice.

- La réalisatrice raconte son acceptation progressive dans le quartier : « Ma présence était repérée et bien acceptée dans le quartier, les gens se passaient le mot et, petit à petit, on me connaissait. Il a fallu un peu de temps pour dépasser une méfiance spontanée face à la caméra ».

- Le contrat de confiance a été essentiel entre Hélène Milano et les jeunes filles : « Les gens qui vivent dans les quartiers populaires ont une intuition très aiguisée et ils ont raison, il ne faut pas les tromper, les trahir. Le contrat a été très clair entre nous, à tout moment, dans les jours qui suivaient le tournage ou six mois plus tard, les jeunes filles pouvaient revenir sur leurs propos, il fallait qu’elles se sentent tout à fait libres de ça ; je me suis montrée rassurante sur ce point ».

- Il a été décidé pour le film de ne pas filmer de scènes de la vie quotidienne des jeunes filles, pour favoriser le temps de tournage en entretien, car c’est la parole et le fil de la pensée qui primait pour la réalisatrice : « c’était bien plus important que des scènes anecdotiques de l’une ou l’autre dînant avec ses parents ».

- Un film pour tout le monde : Hélène Milano raconte : « A la sortie d’une projection, une petite grand-mère est venue me voir et elle m’a dit : ‘’Je ne connais pas les quartiers, je ne connais pas ces jeunes filles, mais vous me les avez rapprochées’’ ».