Les héritiers

Au Lycée Léon Blum de Créteil, la classe de seconde 1 est réputée pour être ingérable et son niveau scolaire est le plus faible. Madame Gueguen, la professeure d’histoire, décide de faire participer ces élèves au concours national de la Résistance et de la Déportation. Les élèves en sortiront transformés.

Public ciblé: 
Âge suggéré à partir de 12 ans
Genre: 
Drame (inspiré de faits réels)
Durée: 
105 minutes
Langue: 
Français
Lieu Concerné - specifique: 
Lycée Léon Blum - Créteil (94)
Date de sortie: 
2014
Réalisateur / Réalisatrice: 
Marie-Castille Mention-Schaar
Comédiens: 
Ariane Ascaride
Ahmed Ramé
Noémie Merlant
Wendy Nieto
Stéphane Bak
Mohamed Seddiki
Geneviève Mnich
Naomie Amarger
Alicia Dadoun
Adrien Hurdubae
Amine Lansari
Production: 
Loma Nasha Films

Retrouvez les offres Vidéo à la demande pour "Les héritiers" sur le site de référencement du CNC.

 

Contactez la société de production :

LOMA NASHA FILMS

110 rue des Dames 75 017 PARIS

florence.leonnet@lomanasha.fr

Tel : 01 42 88 88 84

 

Consultez la page Unifrance du film.

 

Découvrez le dossier de presse complet du film.

1. Propos universel,

2. Des larmes d’émotion,

3. Message d’espoir.

Le film s’inspire d’une histoire vraie : celle d’une classe d’un lycée de banlieue qui va parvenir à surmonter ses différences pour créer un groupe soudé et uni. Les méthodes d’enseignement de la professeure, sa façon de s’adresser à des élèves en échec scolaire et de les investir dans le processus d’éducation, redonnent espoir dans l’école et dans la capacité des jeunes des quartiers populaires à devenir maîtres de leurs destins.

Festivals :

Festival de Cannes 2014 dans le cadre des « écrans juniors »

Initiative « Collège au cinéma » 2015

Festival du film Français au Japon 2016

Distinctions :

1er prix de la sélection Seminci Joven de Valladolid 2014

Prix du public au Boston Jewish Films Festival 2014

DGB Film Preis Filmfest Emden, Allemagne 2015

Open Eyes Jury Award Nuremberg Human Rights Film Festival 2015

Prix spécial du Jury et Prix du Public ColCoA Los Angeles 2015

Meilleur film de Fiction St-Louis International Film Festival 2015

Meilleur film de Fiction Toronto Jewish Film Festival 2015

Prix du Public Santa Barbara International Film Festival 2015

Nomination Meilleur jeune espoir masculin pour Ahmed Dramé César 2015

Prix du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif)

Dans les couloirs encore déserts du lycée Léon Blum à Créteil, le son d’une dispute éclate. Une élève veut récupérer son attestation de réussite au Bac, mais on refuse de la lui remettre tant qu’elle n’enlèvera pas son voile. C’est que 29 communautés coexistent dans l’établissement, et ce n’est pas toujours facile pour l’équipe enseignante de réunir tout le monde sous une même bannière. C’est pourtant ce qu’entreprend Anne Gueguen, qui enseigne l’histoire-géographie et l’histoire de l’art, avec la classe de Seconde 1 dont elle est professeure principale.

La classe de Seconde 1 est diverse et agitée. Le niveau scolaire y est très faible et les élèves donnent tout le mal du monde à leurs enseignants qui considèrent la plupart comme des cas désespérés. Anne Gueguen parvient à gagner leur respect et leur attention, en leur posant les bonnes questions et en les interpellant sur leurs convictions. Dans cette classe, il y a Mélanie la rebelle, Julie l’élève sérieuse, Théo qui ne parle jamais, Malik qui veut faire du cinéma, Max le blagueur, Olivier qui vient de devenir Ibrahim après s’être converti à la religion musulmane, ou encore Jamila victime de sexisme. Les tensions sont nombreuses et les disputes violentes.

Quand Anne s’absente suite au décès de sa mère, la classe sombre dans l’échec scolaire. À son retour, Anne prend une décision : elle propose à la seconde 1 de participer au concours national de la Résistance et de la Déportation. Les élèves refusent catégoriquement au début, s’en croyant incapables, mais la confiance que leur accorde leur professeure principale les pousse à s’investir dans ce projet collectif. Pourtant, ils travaillent encore en groupes séparés. Pour provoquer une prise de conscience, Yvette, chargée du centre de documentation, qui assiste Anne dans l’animation de l’atelier de travail pour le concours, emmène les élèves au musée de la Shoah.

Petit à petit, à mesure qu’Anne Gueguen les incite à penser par eux-mêmes, une évolution se fait sentir dans la vie des jeunes. Mélanie se passionne pour Simone Weil, Malik, de confession musulmane, se rapproche de Camélia, de confession juive, Théo se met à parler, Julie prend confiance en elle, … Mais certains problèmes persistent : Jamila, sous la menace de certains élèves, est contrainte de changer son style vestimentaire, et Olivier, devenu Ibrahim, développe une pensée intégriste et quitte le groupe de travail.

Le véritable basculement a lieu lorsque les élèves rencontrent Léon Zyguel, un rescapé des camps de concentration qui leur raconte son histoire. Saisie, la Seconde 1 réalise l’importance du travail qu’ils sont en train d’effectuer et choisissent de travailler collectivement. Ils collectent des témoignages audios et écrits, lisent, regardent des vidéos, et prennent le parti de toujours mettre en avant les noms des gens dont ils découvrent la tragique histoire.

Le dossier est bientôt prêt pour le concours. Quelque temps plus tard le verdict tombe : ils sont lauréats et se rendront dans les salons de l’École Militaire à Paris pour la remise des prix. En hommage aux personnes dont ils parlent dans leur dossier, chaque élève lâche un ballon portant le nom d’une victime de la déportation. Le jour de la remise des prix arrive, et la Seconde 1 arrive première du classement. Ils célèbrent leur victoire sur le Champ de Mars, heureux. Anne Gueguen leur a appris à connaître leur propre valeur.

C’est la rentrée, une nouvelle année commence et Anne Gueguen reprend son discours de professeure principale avec de nouveaux élèves. Son aventure continue.

Marie-Castille Mention-Schaar est scénariste, réalisatrice et productrice. Elle a produit de nombreux films aux cours des années 2000 et scénarise en 2009 le film de Lucien Jean-Baptiste « La première étoile ». Son premier film en tant que réalisatrice sort en 2012 et s’intitule « Ma Première Fois ». Elle enchaîne sur la réalisation d’un deuxième long-métrage, « Bowling ». « Les Héritiers » est son troisième film.

Un dossier pédagogique très complet (rédigé par Léo Souillets-Debats, Philippe Leclerc et Stéphan Krzesinski) est disponible en téléchargement gratuit sur le site du CNC.

 

L'analyse ci-dessous se veut complémentaire de ce dossier.

 

Les couloirs sont vides. Ce n’est pas encore la rentrée des classes. Personne n’est là pour voir la dispute d’une jeune fille voilée avec l’administration du lycée. Elle réclame son attestation de réussite au Bac, on refuse de la lui remettre tant qu’elle n’enlève pas son voile. La réalisatrice ne résout pas le conflit (pas encore), et ne prend pas parti. Mais elle débute son film par une question qui divise, et qui vient soulever tout un tas d’autres questions, sur la laïcité, sur les convictions, sur les pratiques culturelles et sur l’école. Des questions difficiles qui peuvent séparer les gens.

Pourtant, la scène qui suit et montre la rentrée des classes s’ouvre sur un drapeau français, voletant au grès du vent, qui laisse apparaître derrière lui des élèves divers et variés qui s’acheminent vers le lycée. Tous réunis sous une même bannière, un même drapeau. D’une scène à l’autre, la réalisatrice expose déjà son ambition : passer de la division à l’union, au collectif.

Nous découvrons la classe de Seconde 1 en même temps qu’Anne Gueguen, la prof principale. La plupart des élèves sont en échec scolaire. « Madame Gueguen » les informe des options que chacun aura à suivre, distribuées au gré des décisions administratives du lycée. Beaucoup d’élèves ne sont pas dans l’option qu’ils avaient choisies, et la phrase « vous n’avez pas le niveau » revient plusieurs fois pour justifier les orientations. On peut voir dans cette scène une dénonciation d’un arbitrage parfois dysfonctionnel de l’école qui peut enfermer les élèves dans des matières qui ne leur conviennent pas.

A travers la galerie des jeunes de seconde, le film s’intéresse aux différents conflits qui régissent un lycée en banlieue. Sexisme, à travers le personnage de Jamila, qui se fait menacer et traiter de « pute » par trois lycéens, en raison des vêtements qu’elle porte. Conflit social, précarité, avec Rudy pour qui le conseil de classe veut émettre un avis défavorable alors que son père est à l’hôpital et qu’il doit s’occuper de ses frères et sœurs. Conflit laïc, avec la confrontation des cultes religieux face à l’école laïque. C’est le conflit qui prend le plus de place dans le film. Il est soulevé au conseil de classe, avec une déléguée des parents d’élèves qui se plaint de jupes trop longues et de bandeaux dans les cheveux portés par « certaines élèves ». Pour les jeunes qui agressent Jamila, sa jupe est trop courte, pour la maman déléguée des parents d’élèves, certaines filles portent des jupes trop longues. Personne n’est donc d’accord sur la taille adéquate d’une jupe et les préjugés culturels divisent. Le conflit religieux est aussi au cœur de l’animosité entre Malik et Olivier, tout fraîchement converti à la religion musulmane, et qui reproche à Malik de ne pas être un bon pratiquant. « 29 communautés vivent en harmonie dans ce lycée » dira le proviseur à Anne Gueguen.

C’est par cet angle qu’elle va interpeller ses élèves, en leur montrant une représentation chrétienne où Mahomet est en Enfer. Les élèves s’indignent, s’échaudent. En faisant se confronter les deux religions, en provoquant la réaction des adolescents, puis en les calmant pour les inciter à analyser ce qu’il y a dans l’image chrétienne, les amenant à réfléchir à la signification du mot « propagande », elle parvient à gagner leur intérêt. « Il n’y a pas d’image innocente » leur dit-elle. Elle les emmène par la suite dans une église. « Je ne suis jamais rentré dans une église » dit Malik. Madame Gueguen confronte ses élèves à un héritage culturel et religieux qui n’est pas toujours le leur, ou dont ils sont déconnectés. C’est un premier pas pour sortir du communautarisme : provoquer des « chocs d’univers », faire se confronter les cultes, les religions, les sortir de leurs enclaves.

« Il n’y a pas d’image innocente », et l’image de Malik, de confession musulmane, et de Camélia, de confession juive, se tenant la main et vivant une amourette de lycéens est forte et renvoie à Roméo et Juliette. L’œuvre de Shakespeare est citée plus tôt dans le film, lors d’un cours catastrophique donné par une autre enseignante. Toute la banlieue est construite sur un système shakespearien, il y a toujours deux clans ennemis : les femmes et les hommes, les musulmans et les catholiques, les pratiquants et les non-pratiquants, les cancres et les grosses têtes…plein de Capulet et de Montaigu prêts à se battre au moindre mot de travers, et la présence de la violence dans le film est forte, jusqu’à l’agression de Madame Gueguen par un lycéen enragé. Le travail que fait l’enseignante dans le film est de recréer du collectif, du « vivre-ensemble ».

Cela passe par redonner de la confiance à ces jeunes, de l’estime pour eux-mêmes. Lors du cours catastrophique où on parle de Shakespeare, on peut percevoir la différence entre la méthode d’Anne Gueguen et celle de la prof de Français qui rabaisse les élèves en les comparant à une autre classe plus performante sans parvenir à les intéresser à son cours. Anne Gueguen était parvenue à capter leur attention en évoquant Mahomet, en les attaquant sur le terrain de leurs convictions profondes, et en leur demandant : « est-ce que vous me voyez ? », les ramenant à une humanité primaire, celle de la personne qui se tient devant eux. Elle ne prononce pas, comme sa collègue, la terrible sentence : « de toute façon vous n’y arriverez pas ». Elle leur pose des questions qui les obligent à réfléchir, plutôt que de poser des questions sur des connaissances qu’ils n'ont pas. « Il y a un autre monde de l’autre côté du périph et vous y avez votre place » leur assène-t-elle, en plus d’être la seule à les défendre au conseil de classe. C’est cette foi qu’elle leur accorde qui assoit son autorité et lui permet de gagner leur respect.

Car quand ce respect n’est pas là, il est impossible d’enseigner à cette classe de seconde comme le montre la scène avec la prof remplaçante. Le film évite l’angélisme en montrant la difficulté que peuvent subir les enseignants au quotidien, face à des élèves qui ne s’identifient pas toujours au processus pédagogique classique. C’est la force du personnage d’Anne Gueguen : elle invente un dialogue, elle crée une passerelle pédagogique pour atteindre ces lycéens, communiquer avec eux. Quand elle revient après son absence suite au décès de sa mère, elle s’avance dans le couloir, vers la salle de classe et est suivie en caméra portée. Il y a une instabilité, une tension nerveuse à l’image. Elle s’apprête à entrer dans la salle, dans l'arène, et le mouvement de caméra portée traduit un mélange d’excitation et d’appréhension du personnage : nous ne voyons que son dos mais la caméra portée exprime une intériorité, son état d’esprit, son émotion. Chaque fois qu'elle passe les portes de la salle de classe, elle est prête au combat.

Dès la scène de la rentrée, les images s’enchaînent avec un rythme soutenu, le montage est rapide, il y a profusion de « plans », pour traduire l’agitation du premier jour de classe. Par la suite, le film garde cette dynamique pour épouser le rythme de la parole, des échanges verbaux. Le montage, éclaté, vient mettre en avant un maximum de réactions sur les visages des élèves. La réalisatrice a favorisé l’improvisation pour que ses jeunes comédiens soient le plus naturel possible, et a tourné avec plusieurs caméras pour saisir leurs propositions. Parfois le film ralentit, lorsque la banlieue est filmée dans ses moments de creux, de vide. Ses paysages sont déserts, ce qui produit un contraste tranquille avec le lycée qui foisonne, qui est tout le temps agitation, vacarme. Il y a beaucoup de « plans rapprochés » dans le film, c’est-à-dire que les personnages sont filmés de près. Les plans de la banlieue sont au contraire « larges », il y a de l’espace dans le cadre. Une impression d’ennui ressort de cette façon de filmer la ville, et Malik le dit bien : « les vacances ça m’emmerde ». On le voit s’y ennuyer, dans sa banlieue, taper seul dans son ballon de foot sur un terrain vide, traîner dans les rues endormies, même en plein jour. L’atelier de travail pour le concours au lycée devient alors le lieu de tous les possibles.

Et contre toute attente, portés par la foi que leur prof place en eux, les élèves s’investissent dans le concours. Des transformations individuelles vont alors progressivement fonder la dynamique du groupe. La première fois que Théo s’exprime, c’est pour dire qu’il pense qu’ils ne sont pas capables de faire le travail exigé par le concours. C’est un discours dévalorisant, qui montre que ces jeunes ont terriblement besoin de confiance, mais peu importe, Théo a parlé. Un changement est en marche. Mélanie la rebelle découvre la philosophe Simone Weil, Julie la studieuse prend confiance en elle...Les élèves se découvrent eux-mêmes, individuellement, au sein d’un processus collectif qui les galvanise et les pousseà donner le meilleur de ce qu’ils sont. Madame Gueguen les exhorte à penser par eux-mêmes : « ce qui est intéressant dans ce concours c’est votre réflexion à vous », mais la classe est toujours divisée en petits groupes et le grand moment collectif n’a pas encore eu lieu.

Deux moments décisifs vont faire basculer le rapport des élèves avec le sujet du concours. Le premier est la visite du musée de la Shoah. Le rythme du film ralentit, les plans sont plus larges et durent plus longtemps. Une latence qui correspond à une prise de conscience des élèves. La scène s’ouvre sur Jamila qui s’amuse à épeler les noms des camps de concentration : « j’apprends à lire » dit-elle. Jamila plaisante, elle sait lire. Mais elle est bel et bien en train d’apprendre : la signification des mots, l’importance des noms, des personnes qui se cachent derrière. L’Histoire rattrape ces jeunes élèves, dans un effet de cycle, de boucle, souligné par le mouvement de caméra qui suit Jamila dans un mouvement circulaire.

L’identification des élèves au sujet du concours (« Les adolescents et les enfants dans le système concentrationnaire nazi ») est renforcée suite à cette visite. Ce sujet qui ne les concernait pas devient soudain très proche d’eux, car ils comprennent qu’ils ne s’agit plus de « juifs », ou de « cours d’Histoire », mais d’atrocités commises à l’encontre d’êtres humains qui souvent étaient même plus jeunes qu’eux. La question de la tenue vestimentaire revient alors. Les travailleurs des camps nazis portaient tous la même tenue et leurs crânes étaient rasés. Rudy s’exprime sur ce point : « moi je pense que les vêtements et avoir sa propre coupe de cheveux ça permet d’avoir sa propre identité ». Il soulève sans le savoir la question de « l’irréductibilité de l’être » : que reste-t-il de notre identité lorsque nous sommes nus et le crâne rasé ? A quel point notre « look » est-il lié à notre personnalité, à quel point en est-il un représentant ? La diversité se fonde-t-elle principalement sur l’apparence ? Et la liberté ?

En vérité, ce que Rudy soulève, c’est la question du choix. Ce qui importe est moins le vêtement qu’on porte, la coupe de cheveux qu’on affiche, que le fait d’avoir la liberté de choisir ce vêtement, cette coupe de cheveux (c’est d’ailleurs la maxime de Léon Blum inscrite sur le mur du lycée : « J’ai souvent pensé que la moralité consiste en le courage de faire des choix »). Le vêtement est un vecteur de sens, il porte une signification, traduit un code, des valeurs. Lorsqu’on l’enlève, ces valeurs ne nous quittent pas, mais nous ne pouvons plus les afficher, les révéler au monde – il faut alors user du langage pour raconter son être, ses valeurs. Le « look » permet de dire des choses sur soi sans avoir besoin de parler. Mais il doit toujours être un moyen, jamais une fin. C’est pour cela qu’il y a une forme d’asservissement, de négation de soi, dans les menaces que reçoit Jamila qui l’obligent à consulter le site « jeune et pudique ». On lui ôte le choix de pouvoir porter ce qui la représente. Elle doit porter des valeurs qui ne sont pas les siennes. C’est pour cela que la jeune femme ne veut pas retirer son voile au début du film, « c’est mes convictions profondes ». Le lycée, la salle de classe, sont une métaphore de la société, un microcosme qui désigne le Tout. Le film pose la question de la confrontation des valeurs, des vêtements qui les symbolisent, et de la liberté de les afficher et laisse à chacun la place d’y répondre, ou tout simplement d’y réfléchir.

Le deuxième moment décisif est le face-à-face entre les élèves et Léon Zyguel, un survivant des camps de concentration. La limite entre fiction et réalité est alors tout à fait brouillée : Léon Zyguel n’est pas un acteur et nous raconte véritablement son histoire, et les jeunes acteurs l’écoutent pour de vrai. « Est-ce que vous me voyez ? » demandait Anne Gueguen à ses élèves. Léon Zyguel qui est là, sous leurs yeux, c’est l’Histoire qui s’incarne dans un corps, l’Histoire qui devient visible, palpable. Ce n’est plus un paragraphe dans un manuel, ce n’est plus une abstraction, l’Histoire se tient devant eux et leur parle. Et ce qu’elle leur apprend, c’est que la lutte contre le racisme n’est pas divisible, spécifique, éclatée : elle est universelle. Dans la scène qui suit, Malik assiste dans un bus à une scène raciste où une femme refuse de s’adresser à une autre femme qui porte le voile (retour de la question du vêtement qui représente une valeur). Cette scène montre que le message transmis par Léon Zyguel est toujours nécessaire, toujours d’actualité.

Les élèves se retrouvent sous la maxime de Léon Blum : « j’ai souvent pensé que la moralité consiste en le courage de faire des choix ». Léon Blum, figure historique du socialisme français, qui a lui-même été déporté dans les camps nazis. Les adolescents tirent au sort leurs noms. Les noms des élèves sont prononcés à voix haute : c’est ça la première identité, un nom, et pas un numéro comme dans les camps nazis où les noms étaient confisqués, où chacun devenait une immatriculation. Ils font alors deux groupes de travail et arrivent à travailler en équipe. Le grand moment collectif a lieu. Ils écoutent les témoignages des déportés survivants, retrouvent leurs écrits, les consignent, toujours en rappelant leurs noms.

Olivier lui a changé de nom. En devenant Ibrahim, il a changé d’identité. En s’habillant avec une djellaba, il a changé de valeurs. Le film le fait incarner l’intégrisme musulman (alors qu’il est tout fraîchement converti), qui ostracise, qui sépare – il est le seul à ne pas vouloir participer au concours. La réalisatrice rappelle, à travers l’exemple de ce personnage, que les convictions peuvent changer dans un sens, ou dans l’autre. La transformation peut être aussi bien de l’ordre de l’ouverture que du repli grégaire. La balance est fragile. Et c'est à cet âge que tout se détermine. Pourtant, il y a un espoir, lorsque, dans le bus en chemin pour le concours, Malik et Ibrahim se saluent, séparés par une vitre, mais réconciliés.

Le final offre une victoire à ces jeunes qui se pensaient perdus d’avance. Les élèves rendent hommage aux victimes en accrochant leurs noms à des ballons, leur rendant leur identité, leur humanité volée par la barbarie. Sur la voix de Mélanie qui lit le serment se superpose celle de Léon Zyguel. Là est l’héritage qui donne son titre au film. Dans cette passation, cette transmission des valeurs, d’une génération à l’autre. Les conflits internes de la classe ont été résolus à travers le projet collectif. Là est le projet éminemment politique du film.

Une nouvelle rentrée scolaire. Anne Gueguen reprend son discours de début d’année. Son combat continue. Derrière toute la violence, physique ou psychologique, présente dans le film, se dessine l’espoir que nous pouvons tous, chacun d’entre nous, hériter des combats des générations qui nous précèdent, et nous en trouver transformés, grandis, révélés à nous-même, quelles que soient nos origines, où que nous vivions, et quels que soient les vêtements qu’on porte.

– Comment est filmée la banlieue ? Comment Malik passe-t-il ses vacances ? Qu’est-ce que cela nous dit de la vie dans un quartier populaire ?

– Pourquoi Madame Gueguen montre-t-elle à ses élèves une image de Mahomet en Enfer ? Pourquoi les emmène-t-elle dans une église ?

– Les travailleurs des camps nazis portaient tous la même tenue et leurs crânes étaient rasés. Commentez cette phrase de Rudy : « moi je pense que les vêtements et avoir sa propre coupe de cheveux ça permet d’avoir sa propre identité ».

– Pourquoi Jamila change-t-elle de style vestimentaire au cours du film ? Comment peut-on mettre ce changement en relation avec la méfiance envers les « jupes trop longues » de la déléguée des parents d’élèves ? Et avec la jeune femme voilée qui veut récupérer son attestation de réussite de Bac au tout début du film ?

– Pourquoi Olivier, devenu Ibrahim, refuse de participer au concours ? Que reproche-t-il à Malik ? Que lui reproche à l’inverse Malik ?

– Quels sont les deux moments décisifs qui changent le regard des élèves sur les camps de concentration ?

– Le film est inspiré d’une histoire vraie. En 2009, une classe dite « difficile » du lycée Léon Blum à Créteil a été lauréate du concours national de la Résistance et de la Déportation.

– Anne Gueguen, la prof d’histoire interprétée par Ariane Ascaride, s’est inspirée de l’enseignante de la véritable histoire : Anne Anglès. La réalisatrice a assisté à des cours que Madame Anglès donne au lycée pour nourrir l’écriture de son personnage.

– Ahmed Dramé était dans la fameuse classe lauréate du concours. Il a rédigé une première version du scénario en s’inspirant des événements vécus avec sa classe. Après avoir vu « Ma première fois », le premier long métrage de Marie-Castille Mention Schaar, il décide de lui envoyer le scénario. Enthousiasmée par le projet, la réalisatrice accepte de le porter. Ils réécriront le scénario ensemble et Ahmed Dramé joue le rôle de Malik dans le film.

– « Les héritiers » mélange des comédiens amateurs et professionnels et a été tourné dans le lycée où s’est déroulée la véritable histoire.

– La scène où Léon Zyguel, un rescapé des camps de concentration, vient témoigner devant les élèves, a été filmée en une seule prise, avec quatre caméras. La réalisatrice avait donné aux jeunes acteurs pour indication d’oublier le film et de se concentrer sur l’histoire de l’ancien déporté.