Ils ont filmé les grands ensembles

À partir de films amateurs tournés par des habitants du département de l’Essonne (91), ce documentaire retrace la construction des grands ensembles et la vie dans les villes nouvelles du département à partir du milieu des années 1960. Leurs commentaires et souvenirs accompagnent ces archives qui témoignent du développement de la banlieue parisienne.

Public ciblé: 
Tout public
Genre: 
Documentaire
Durée: 
53 minutes
Langue: 
Français
Lieu Concerné - ville: 
91300 - MASSY
91940 - LES ULIS
91270 - VIGNEUX SUR SEINE
91240 - ST MICHEL SUR ORGE
Date de sortie: 
2012
Réalisateur / Réalisatrice: 
Marie-Catherine Delacroix
Laurence Bazin
Production: 
La Huit Production

1. Le quotidien d’une époque restitué,

2. Charme et poésie des images d’archive en Super 8,

3. Vision d’espoir de la banlieue.

À travers des films de famille, on découvre l’édification et le quotidien des banlieues parisiennes dans les années 60-70. Des habitants de l’époque racontent les mutations des quartiers, la disparition des campagnes au profit de l’urbanisation, mais aussi l’espace de progrès et d’espoir que représentait la banlieue.

Diffusion : Public Sénat, 2012.

Prix : Le film a remporté le 2e prix au Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2012.

La réalisatrice part en quête de films amateurs tournés dans les banlieues parisiennes dans les années 60-70 par des habitants de ces grands-ensembles, des logements collectifs construits à la périphérie des villes pour faire face à la crise du logement de l’après-guerre.

Elle regarde les films avec ceux qui les ont tournés. Des scènes de la vie quotidienne se succèdent : un repas d’anniversaire dans le nouvel appartement, les travaux alentour, la première neige sur la dalle, les patins à roulette qu’on étrenne un lendemain de Noël...Les habitants commentent, se souviennent, évoquent leur vie d’alors : leur emménagement, les années qui passent, les enfants qui grandissent, l’évolution du quartier...

La plupart ont quitté le grand ensemble, certains y habitent encore. Tous relatent les transformations rapides d’une banlieue qui perd progressivement ses espaces verts, et confrontent leurs espoirs au moment de la construction de ces grands ensembles et villes nouvelles avec ce que sont devenus ces quartiers aujourd’hui. Mais la réalisatrice évite un constat dépressif et donne également la parole à des habitants qui encore aujourd’hui, sont fiers de leur banlieue et ont plaisir à y vivre.

                             « Il s’agit avant tout de projets de mémoire », Marie-Catherine Delacroix.

« On réalise à quel point l’arrivée des habitants dans ces bâtiments s’accompagnait d’un grand espoir », Laurence Bazin.

Marie-Catherine Delacroix est présidente de Cinéam, une association de sauvegarde et de valorisation du patrimoine cinématographique amateur en Essonne.

Laurence Bazin a fait ses études à l’école nationale de cinéma Louis-Lumière et travaille comme cheffe-monteuse sur des films documentaires.

Il y a un paradoxe lorsqu’on immortalise un instant avec une caméra. On crée un souvenir, enregistré sur la vidéo, mais on est absent de ce souvenir, puisque qu’on se situe de l’autre côté de l’appareil. Lorsqu’on filme, on se soustrait à ce qu’on enregistre, on s’efface du souvenir, on se retire de la situation : on n’apparaît pas à l’image. En laissant la possibilité aux propriétaires des films amateurs de commenter leurs vidéos, les réalisatrices leur rendent leur présence, les investissent dans les images. La voix est une présence qui vient combler ce manque dans l’image, et les réalisatrices n’hésitent pas à nous montrer les personnes qui interviennent dans le film, pour donner un corps à cette voix, permettre au spectateur de projeter qui se tient derrière la caméra Super 8.

Dans un reportage ou un documentaire « classique », une voix off serait venue raconter l’histoire de la construction des banlieues parisiennes dans les années 60-70. Ici, ce processus est donc remplacé par un travail de mémoire des intervenants qui partagent leurs souvenirs et commentent leurs vidéos. C’est à travers les histoires des familles qu’on découvre l’histoire des banlieues. En montrant des images du quotidien des gens, le film raconte la vie des quartiers, sa banalité, sa « normalité », loin des représentations sensationnalistes qu’on peut parfois en avoir. Les images d’archive ne viennent donc pas illustrer un propos, elles sont le point de départ du film, ce sont elles qui véhiculent du sens. Elles expriment un bien-être de la vie en banlieue à travers leur charme désuet et leur simplicité teintée poésie.

« Ils ont filmé les grands ensembles » est aussi un film sur l’intimité. Les vidéos nous immergent dans la vie des gens, nous dévoilent des instants en famille filmés dans un cadre privé. La voix off d’une des réalisatrices, qui fait office de fil rouge tout au long du film, est elle-même à la première personne, comme si elle lisait un journal intime, qui fait écho à l’intimité des images en Super 8.

On constate à la vision du film que la banlieue était encore dans les années 60-70 un lieu de campagne, une utopie en pleine construction où chacun se sentait participant de l'élaboration d'une collectivité. Un lieu familial, où il fait bon vivre, avec un lien social fort : fierté du numéro de sa tour, paliers et cages d’escalier comme lieux de rencontre entre voisins…

La construction rapide des grands ensembles et des villes nouvelles était un symbole de progrès et d’espoir, et répondait à l’urgence de la crise du logement. Un homme témoigne : « c’était le paradis, on avait l’eau chaude, l’eau froide, l’électricité…». Se dessine alors un portrait de la période des « Trente Glorieuses », l’excitation du confort moderne des appartements et du rêve du logement pour tous. Un temps de construction, donc de possibilité de lendemains plus heureux.

Mais à partir de la crise du choc pétrolier de 1973, les classes moyennes désertent les banlieues pour aller s’installer dans des pavillons. Les quartiers deviennent alors le refuge des victimes de la précarité. Ces espaces qui « représentaient le progrès technique et social ont en quelques années été assimilés à des images d’échec et de marginalité ». Les vidéastes amateurs témoignent de la disparition des campagnes au profit de l’urbanisation. La banlieue se transforme, perd ses espaces verts, se recouvre de béton. Entre les images pimpantes, colorées des vidéos Super 8 et les prises de vue des réalisatrices dans les quartiers aujourd’hui, quelque chose s’est terni.

Mais les réalisatrices n’oublient pas que des gens vivent encore heureux dans ces banlieues. Une mère de famille, ainsi que trois jeunes femmes, témoignent du plaisir et de la fierté qu’elles ont à y habiter. Le film partage des souvenirs pour mieux mettre en perspective le présent, ses possibilités, ses espoirs. Il se termine sur une tour désossée, comme si une page de l’histoire se tournait. C’est qu’il est encore temps de changer le paysage. La banlieue peut toujours se réinventer, prendre un autre visage. C’est le temps, à nouveau, de la reconstruction et des possibles.

- En quoi les vidéos en Super 8 contrastent-elles avec les images de banlieues qu’on voit aujourd’hui dans les médias ?

- Pourquoi la plupart des gens interviewés ont-ils quitté les grands ensembles ?

- Quelles grandes transformations les banlieues de l’Essonne ont-elles connu entre 1970 et aujourd’hui ? Quelles en sont les causes ?

- Comment le film montre-t-il qu’on peut vivre heureux en banlieue aujourd’hui ?

- Le travail de Marie-Catherine Delacroix, qui réalise le film avec Laurence Bazin, est de récupérer des films amateurs tournés en Essonne pour le compte de son association Cinéam.

- Marie-Catherine Delacroix fait la rencontre de Laurence Bazin, car celle-ci n’est autre que sa voisine !

- Les deux réalisatrices disposaient de plus de 50 heures de films amateurs. Elles ont réussi à en faire un documentaire de 53 minutes.