Dans un quartier où se côtoient trafics et religion, Dounia a soif de pouvoir et de réussite. Soutenue par Maimouna, sa meilleure amie, elle décide de suivre les traces de Rebecca, une dealeuse respectée. Sa rencontre avec Djigui, un jeune danseur troublant de sensualité, va bouleverser son quotidien.
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1. Actrices époustouflantes,
2. Énergie rare,
3. Mise en scène prenante et inventive.
Le plafond de verre cantonne les jeunes des banlieues les plus défavorisées à rêver d’un travail mal payé pour lequel ils doivent se battre avec le sourire. La jeune héroïne du film pense échapper à ce destin tout tracé en se lançant dans le trafic et l’illégalité. « Divines », c’est l’histoire d’une génération sacrifiée, en quête de dignité, de liberté, de reconnaissance. Et d’amour.
Récompenses :
Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes 2016 :
Caméra d'or
Prix SACD Mention Spéciale
Cérémonie des Césars 2017 :
César du meilleur premier film
César du meilleur espoir féminin
César de la meilleure actrice dans un second rôle
Lumières :
Prix Heihe Hurst du meilleur premier film
Prix Lumières du meilleur espoir féminin
Munich Film Festival (Allemagne) :
Prix Cinévision
AFI Fest (Etats-Unis) :
Special Jury Mention for Acting (Oulaya Amamra)
New Auteurs Audience Awards
Breakthrough Audience Award
Journées Cinématographiques de Carthage (Tunisie) :
Meilleure interprétation féminine (Oulaya Amamra et Déborah Lukumuena)
Prix FIPRESCI du meilleur long-métrage
Nominations :
Cérémonie des Césars 2017 :
César du meilleur film
César du meilleur réalisateur / de la meilleure réalisatrice
César du meilleur scénario original
César du meilleur montage
Golden Globes :
Meilleur film en langue étrangère
Globes de cristal :
Meilleur film
Sélections :
Toronto International Film Festival (Canada)
Karlory Vary (République Tchèque)
Hamptons International Film Festival (Etats-Unis)
Festival du film et forum International sur les droits humains (Suisse)
Dounia et Maimouna sont amies « à la vie, à la mort ». Ces deux adolescentes, que tout oppose, vivent dans une banlieue délabrée où elles revendent leurs larcins chapardés dans le centre commercial pour se faire un peu d’argent. Dounia voudrait être riche. Alors son BEP accueil, où on lui apprend à sourire pour gagner un salaire de misère, ne lui suffit pas. Après une violente altercation avec sa formatrice, elle quitte définitivement l’école.
Dounia vit dans un camp de Roms avec sa mère et son oncle qui travaillent tous les deux dans un bar-cabaret. Le soir, Dounia aide sa mère, mais cette dernière, à force de boire et de se donner en spectacle, est renvoyée. Dans le quartier, Dounia est surnommée « la bâtarde », en raison des multiples relations sans lendemain qu’entretient sa mère depuis des années. Maimouna, elle, est la fille de l’Imam.
Dounia passe ses journées à observer Rebecca, la caïd du quartier qui roule en décapotable et passe ses vacances dans des lieux paradisiaques. A force de l’espionner, Dounia découvre où Samir, le bras droit de Rebecca, cache la drogue de leur trafic. Dounia vole la drogue, puis la rapporte à Rebecca en accusant Samir de mal faire son travail. Rebecca accepte de prendre Dounia et Maimouna à l’essai.
Parallèlement, les deux amies se rendent régulièrement dans les coulisses du théâtre en passant par les couloirs interdits du centre commercial. Elles cachent leur argent sur la passerelle supérieure et s’amusent à observer les auditions de danse contemporaine. Djigui, un jeune homme séduisant mais agité, retient leur attention : il s’agit de l’agent de sécurité du supermarché où elles chapardent. Elles s’amusent à lui cracher dessus, mais se font repérer. Dounia se fait alors courser par le jeune homme sur la passerelle supérieure. Pour lui échapper, elle grimpe plus haut et le met au défi de la suivre. Mais quand Djigui glisse, elle vient à sa rescousse et l’aide à se hisser sur la plate-forme. Ils échangent un regard électrique et Dounia s’enfuit, comme sonnée par cette rencontre.
Dounia et Maimouna sont chargées de faire les courses pour Rebecca, mais celle-ci a d’autres projets plus ambitieux pour elles. Dounia doit apprendre à conduire un scooter à la hâte pour pouvoir aller voler de l’essence pour le compte de la caïd. Cette nuit-là, Dounia confie à Maimouna qu’elle cauchemarde souvent d’une chute sans fin où elle finit par s’embraser. Maimouna, elle, est persuadée que des djinns malfaisants sont à l’œuvre autour d’elles, et que Dieu les observe depuis le ciel.
Satisfaite de Dounia, Rebecca lui fournit un nouveau Iphone flambant neuf en cadeau, et un téléphone plus rudimentaire pour pouvoir la contacter. Elle lui donne le territoire de Samir. Pour fêter cette « promotion », Maimouna et Dounia arpentent le centre commercial en imaginant tout ce qu’elles vont bientôt pouvoir acheter et en profitent pour se moquer de Djigui qui fait le vigile devant le supermarché.
Pendant leur ronde en attendant leurs premiers acheteurs, Dounia et Maimouna se voient déjà à bord d’une Ferrari en Thaïlande. Dounia s’accorde une pause pour aller espionner Djigui répéter seul au théâtre. Celui-ci devine la présence de Dounia et se met nu pour la troubler. De retour à son poste de dealeuse, Dounia reçoit son premier client. Maimouna fait le guet pendant qu’ils se retirent dans le couloir derrière la mosquée pour procéder à l’échange. Mais le jeune homme tente de voler le stock de drogue à Dounia et la frappe violemment quand elle résiste. Face à l’obstination de la jeune femme, il abandonne sa drogue et son argent. Dounia, le visage plein d’ecchymoses, croit alors entendre de la musique religieuse venant de la mosquée, mais cette dernière est vide.
Rebecca la félicite pour avoir défendu ses intérêts face à son agresseur. Dounia a maintenant sa confiance. Elle apprend à se battre et s’enrichit en poursuivant ses deals pour le compte de Rebecca. Elle peut maintenant offrir des cadeaux à sa mère et s’achète même un quad. Mais un jour l’argent qu’elle a accumulé disparaît de sa cachette dans les coulisses du théâtre. Djigui l’a volé pour provoquer Dounia. S’ensuit une confrontation où se mêlent affrontement et danse à l’issue de laquelle Dounia, déstabilisée, ne parvient pas à récupérer son argent.
Rebecca a un nouveau projet pour Dounia. Reda, son ancien fournisseur, cache 100 000 euros chez lui. Le plan est simple : Dounia doit le séduire, trouver et voler l’argent. Mais pour commencer, elle doit apprendre à marcher avec des talons. L’étape suivante la conduit, avec Maimouna, aux Champs-Élysées, où elles repèrent Reda dans une boîte de nuit branchée. Dounia parvient à attirer son attention. Mais au moment de partir, Samir qui les a conduites jusqu’à Paris a disparu. Rentrée dans son ghetto, Dounia découvre avec horreur qu’il a couché avec sa mère pour se venger du fait qu'elle lui ait pris son territoire. Sous le choc, Dounia se dispute violemment avec sa mère et décide d’incendier la voiture de la mère de Samir. La Police débarque, Dounia et Maimouna fuient à bord du quad, mais se font attraper et finissent au poste.
Leurs parents viennent les récupérer au matin. Les parents de Maimouna interdisent alors à leur fille de fréquenter Dounia. Cette dernière renie sa mère pour partir avec Rebecca, mais la caïd, déçue par la conduite irréfléchie de sa protégée, finit par la rejeter. Dounia se retrouve alors seule. Elle va trouver Djigui en pleine audition finale. Il essaye de la calmer et lui promet de lui rendre son argent si elle assiste à l’audition. Djigui obtient le rôle principal dans le spectacle, et rend son argent à Dounia en lui expliquant qu’il l’avait pris pour la pousser à venir à sa rencontre. Ils dansent ensemble dans les allées désertes du supermarché et Dounia consent enfin à dire son nom au jeune homme.
Rebecca recontacte Dounia : leur plan a fonctionné, Reda veut la revoir. Au lieu d’aller voir le spectacle de Djigui, Dounia assiste à un concert de rap avec le truand puis il la ramène chez lui. Elle entreprend de fouiller l’appartement pendant que Reda prend une douche, mais elle se fait surprendre et il comprend qu’elle est venue le voler. Il la roue de coup, puis tente de la violer, mais Dounia parvient à se défaire de son emprise et l’assomme avec une violence furieuse. Elle trouve la cachette et récupère l’argent.
Dounia, en possession des 100 000 euros, va à la gare pour retrouver Djigui et partir avec lui pour la tournée de son spectacle. Elle laisse un message téléphonique à Maimouna pour lui dire au revoir. Mais elle reçoit une vidéo sur son téléphone : Rebecca tient Maimouna en otage et demande son argent. Dounia regarde Djigui disparaître sur le quai. Sa décision est prise.
Elle retourne au quartier où Maimouna est retenue par Rebecca et Samir. Mais Rebecca refuse de libérer Maimouna : il manque une partie de l’argent, que Dounia a laissé pour sa mère. Quand Dounia refuse de révéler où se trouve le reste de l’argent, Rebecca l’asperge d’essence et menace de la brûler vive. Mais Dounia n’a pas peur de mourir. Samir devine que l’argent se trouve chez sa mère et quitte le cabanon. Lorsque Rebecca traite Dounia de « bâtarde », celle-ci se jette sur elle pour l’asséner de coups et lui hurler son nom : « je m’appelle Dounia ! » Rebecca, dans un réflexe de défense, lui jette le briquet allumé, que Dounia parvient à esquiver. Mais la flamme entre en contact avec l’essence répandue sur le sol. Les trois jeunes femmes se retrouvent bloquées à l’intérieur du cabanon en feu.
Elles parviennent à créer un passage en forçant une grille, mais Maimouna est trop grosse pour pouvoir passer. Rebecca parvient à s’extirper du brasier, mais Dounia refuse de quitter son amie. Maimouna la force à s’échapper à l’aide de jeunes alertés par l’incendie. Dounia entend les sirènes des pompiers et court à leur rencontre, mais ceux-ci ont reçu l'ordre d’attendre que la Police arrive, car ils ont été « caillassés » lors de leurs précédentes interventions. Malgré les suppliques de Dounia et des jeunes du quartier, les pompiers refusent de bouger.
La police n’arrive pas à temps, le cabanon s’embrase dans une explosion finale. Dounia hurle de détresse. Pétrifiée, elle regarde les jeunes, révoltés, s’en prendre à la police. L’affrontement est violent. Au milieu de ce chaos, les parents de Maimouna viennent trouver Dounia, pour savoir où est leur fille. Sous la lune que Maimouna désignait comme l’œil de Dieu, Dounia est incapable de leur répondre.
« Nous sommes tous Dounia », Houda Benyamina.
Houda Benyamina est née en 1980 à Viry-Châtillon dans l’Essonne. Après un CAP coiffure, elle se redirige vers un bac littéraire, puis suit une formation de comédienne. Cantonnée dans des rôles stéréotypés, elle se tourne vers la réalisation et tourne ses premiers courts métrages.
En 2006, elle fonde l’association « 1000 Visages » qui a pour but de former des jeunes issus de quartiers prioritaires de la politique de la ville aux métiers du cinéma. Elle est repérée par le producteur Marc-Benoît Créancier avec son court-métrage « Ma poubelle géante » en 2008, et tourne avec lui un moyen-métrage, « Sur la route du paradis ». « Divines » est son premier long-métrage et sort en 2016.
« Divines » s’ouvre sur un fond bleu aux formes abstraites. La réalisatrice Houda Benyamina entame ainsi son film avec une forme qu’on peut ressentir esthétiquement mais qu’on ne peut pas appréhender intellectuellement. On parle de « figural » : une sensation dans l’image qui échappe à la description pure (l’inverse est le « figuratif », où on peut décrire un sujet reconnaissable, identifiable). A travers cette entrée en matière esthétique, portée par la musique classique aux accents religieux, Houda Benyamina confère à cette image trouble une dimension sacrée, et cherche par sa mise en scène à exprimer quelque chose qui dépasse l’Homme, quelque chose de l’ordre de la spiritualité.
Cela est renforcé par le premier plan du film : un chant religieux musulman prend le relais dans la continuité de la musique classique, liant ainsi deux confessions en une même recherche de spiritualité, et la caméra suit des volutes de fumée s’élever dans les airs, accentuant l’impression d’évanescence. Le flou très prononcé de l’image contribue à perdre le spectateur, à le désorienter. Le film joue avec ses sens : ce que le spectateur voit est insaisissable ; ne pouvant se fier à ses yeux, il doit se laisser porter par le son : la musique classique, le chant religieux. Cela travaille toute une dynamique entre le visible et l’invisible, le figuratif et le figural, le visible et le spirituel. L’image devient progressivement nette et le spectateur comprend alors qu’il se trouve dans une petite mosquée où sont réunis des fidèles. Ce n’est pas anodin si la mosquée est le premier lieu du film. L’œuvre est parcourue par une recherche du Sacré et un questionnement quant à la présence de Dieu.
Dans la première image de Dounia, ses yeux sont barrés par une grille qui évoque l’enfermement dont est victime le personnage. Ce motif de la grille sera présent tout au long du film : la grille derrière laquelle Dounia observe Rebecca, les grilles qui l’entourent quand elle apprend à faire du scooter, etc. Lorsque Dounia décide de quitter l’école, on la retrouve assise, à nouveau, contre une grille qui renvoie encore à cet enfermement. Dounia est piégée dans sa banlieue, sans avenir, prisonnière de son image de « bâtarde ». On apprend son surnom avant même de connaître son nom dans le film. Dans le quartier, « la bâtarde », c’est son identité, ça lui colle à la peau. Un plan insiste sur ces limites qui sont imposées à Dounia, et dont elle a parfaitement conscience. Ses doigts caressent les barreaux de la grille, comme si elle voulait sentir, tester, ces limites. La grille est ici une métaphore de la barrière sociale.
« Divines » nous présente une banlieue laissée pour compte, abandonnée des pouvoirs publics : les immeubles délabrés tombent en ruine. « Ils en ont rien à foutre de nous » dit Rebecca en parlant d’un immeuble toujours en attente de rénovation. Dans cette banlieue, trafic, religion, art et consommation semblent liés, intriqués : on passe d’un lieu à l’autre à travers un dédale de couloirs et de conduits. Le supermarché donne sur le théâtre, le trafic a lieu dans un couloir derrière la mosquée. C’est un microcosme où le "Beau" et le crime se côtoient intimement.
Mais Houda Benyamina parvient à réenchanter ce lieu de désespoir avec l’amitié fusionnelle de ses personnages, Dounia et Maimouna. Leur différence physique évoque des duos comiques tels que Laurel et Hardy et nous découvrons ces deux personnages à travers un montage de vidéos façon « Snapchat », filmées avec un téléphone. Par le biais de la vidéo de téléphone portable, le spectateur est immédiatement immergé dans un condensé du quotidien des deux héroïnes – nous sommes dans l’intime des personnages. Cette séquence dit quelque chose de la prédominance des images dans nos vies, de l’importance qu’a pris la technologie qui devient un témoin privilégié de notre quotidien appartenant dorénavant à la sphère publique.
Le film mélange ainsi les registres, passant de la comédie (les répliques cultes du duo de filles) à la tragédie (portée par l’utilisation des musiques classiques), de la chronique sociale joyeuse au polar désespéré. Houda Benyamina réemploie sciemment les clichés de la banlieue (trafic de drogue, voiture brûlée, déscolarisation) pour les confronter à une imagerie américaine et à une quête de spiritualité.
Dans le montage de vidéos Snapchat, Dounia s’amuse à parodier les grands gangsters américains. Elle rejoue Robert de Niro dans « Taxi Driver » (« C’est à moi que tu parles ? »), et Al Pacino dans « Scarface » (« J’ai les mains faites pour l’or ! »), s’identifiant à ces grandes figures de cinéma. Elle rêve d’un destin à la Tony Montana, oubliant la fin tragique du héros du film de Brian De Palma. Scorsese (réalisateur de « Taxi Driver ») et De Palma sont d’ailleurs deux des influences les plus identifiables dans le film d’Houda Benyamina, qui s’inspire des trajectoires « Rise and fall » que les deux cinéastes américains affectionnent. Il s’agit de faire gravir les échelons à un personnage pour mieux le faire chuter à la fin du film.
Cela sera bien la trajectoire de Dounia, destinée à chuter par les choix qui la conduisent inéluctablement vers une fin tragique. Dounia vit avec sa mère alcoolique dans un bidonville coincé entre les tours et l’autoroute. Elle veut sortir de la misère, comme Tony Montana qui partait du bas de l’échelle sociale. Dounia refuse de courber l’échine et de se rabaisser à une vie de second rang : « je suis là pour vous aider ! » lui dit sa formatrice au lycée professionnel ; « nous aider à quoi ? Nous aider à être des larbins de la société c’est ça ? » lui répond Dounia. Se battre, avec le sourire, pour un emploi précaire, très peu pour elle. Dounia veut plus, elle veut la grande vie, elle veut la liberté. Ce que ne lui offre pas l’école, qui ne peut que lui proposer de se former à la précarité. Cette quête de liberté passe par l’argent. Le mantra de Dounia, « money, money, money », est sa façon à elle d’exprimer un désir de liberté et d’élévation sociale. C’est une critique du capitalisme, où liberté rime avec richesse financière, ou succès rime avec capacité à consommer, à acheter.
Ce qu’il y a de plus violent dans l’altercation entre Dounia et sa formatrice, c’est la vérité du discours de l’adolescente. Dounia exprime la violence sociale qui s'applique sur les gagnes-misère. Pour dépasser ce déterminisme social, ce « plafond de verre », Dounia veut prendre le chemin le plus court, comme ses modèles américains : celui de l’illégalité. Contaminée par un imaginaire de cinéma dont elle n’a pas compris la critique du libéralisme, elle suit une voie tracée par un fantasme. Cela est particulièrement visible lors de la scène où Dounia et Maimouna s’imaginent rouler sous les cocotiers à bord d’une Ferrari. Elles rêvent alors de « money », de « beaux gosses » et de belles voitures ; le tiercé gagnant du rêve américain. On entre dans leur fantasme par le biais d’un plan-séquence, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de coupe, pas de montage : un plan unique dure tout le temps de la scène. Les bruitages viennent nous immerger dans leur fantasme, et la force de leur imagination fait décoller les jeunes femmes du sol. C’est donc par un geste de cinéma fort (le plan-séquence avec mouvements de caméra) que l’imagination des personnages peut se déployer et se projeter dans un « ailleurs », par-delà les limites du quartier.
La banlieue-prison aux grilles omniprésentes et aux murs de béton qui bloquent l’imaginaire se voit donc réinvestie par un fantasme de cinéma. Houda Benyamina a bien compris que la banlieue ne devait plus être filmée avec une caméra portée hésitante, avec des images ternes et dépressives. Sa mise en scène privilégie les mouvements de caméra, les cadres proches des visages qui floutent l’arrière-plan, les couleurs dans le décor, les changements de teintes dans la photographie – la réalisatrice se sert de toute la palette que lui offre les outils du cinéma pour raconter une histoire ancrée dans le réel, mais investie d’une volonté de cinéma « bigger than life » qui multiplie les registres et qui transforme la banlieue en territoire cinématographique, plutôt qu’en terre d’accueil d’une reproduction d’un réel présupposé morne. Houda Benyamina tient un discours inquiet sur la banlieue, mais ne la relègue jamais à un espace privé d’imaginaire, engoncé dans un réel terne et ennuyeux. Dans la manière même dont est fabriqué le film, inventive et viscérale, Houda Benyamina fait de la banlieue un endroit où le cinéma a le droit d’advenir dans toute son amplitude.
La mer et les cocotiers dont rêvent Dounia et Maimouna proviennent de la vidéo des vacances de Rebecca qu’elle exhibe fièrement sur sa tablette. Rebecca est un modèle pour Dounia, elle représente ce qu’elle voudrait devenir. Cette vidéo sur la tablette fait écho à l’introduction du film en vidéo Snapchat. Le smartphone est devenu une tablette, la plage paradisiaque remplace l’image de la banlieue : Rebecca vit les rêves de Dounia – et même plus, elle les dicte, les façonne. La première fois que le spectateur voit le personnage de Rebecca dans le film, elle est à bord d’une voiture décapotable. Une image de puissance qui fascine Dounia. Rebecca investit un terrain réservé aux hommes : celui du caïd de quartier. Elle s’approprie les lieux communs que l'imagerie collective attribue aux hommes : pouvoir, argent, club de strip-tease (on la voit même mettre de l'argent dans le soutien-gorge d’une strip-teaseuse).
Pour Rebecca, « mon frère c’est mon oseille ». Elle aussi est dans une dynamique à la « Scarface ». Elle a les mots "HATE" et "LOVE" tatoués sur les doigts de chaque main – une référence au film américain « La nuit du chasseur » de Charles Laughton. Rebecca a le cinéma américain tatoué sur son corps : elle a les mêmes référents que Dounia. Dans « La Nuit du Chasseur », un prêtre tueur en série pourchasse deux enfants à travers les États-Unis. On pourrait établir un parallèle entre le film de Charles Laughton et « Divines » : le tueur, qui a les mots Love et Hate tatoués sur les doigts, devient chez Houda Benyamina Rebecca, et les deux enfants pourchassés seraient alors Dounia et Maimouna.
Rebecca est montrée comme menaçante, imprévisible. Elle n’hésite pas à coller un pistolet sur la tempe de Dounia pour la tester. « T’es flippante aussi » lui dit Maimouna. Cette figure de femme puissante et dangereuse rééquilibre les forces des sexes opposés. La réplique « t’as du clito » vient ainsi créer un équivalent féminin à l’expression « avoir des couilles » qui signifie avoir du cran, oser. « Faut oser être riche » assène Rebecca à ses deux élèves. Rebecca se réapproprie le langage dominé par une vision masculine et affiche une ambition décomplexée face à l’argent. Elle use agressivement de toutes les armes de la virilité : violence, postures, charisme, et reproduit un imaginaire masculin en s’en emparant. Quand Maimouna et Dounia frappent chez elle pour la première fois, c’est un « play-boy » qui leur ouvre. Les rapports clichés femmes/hommes sont inversés et Rebecca donne une claque sur les fesses de son « boy toy » pour marquer sa domination.
Lorsque Rebecca explique à Dounia et Maimouna comment elles doivent gérer leur deal et la surveillance sur le terrain, la caméra tourne autour d’elles accompagnée par une musique énergique. Elles sont cadrées en « contre-plongée », c’est-à-dire que la caméra les filme « d’en bas ». Le mouvement de caméra, la musique et le cadrage qui leur donne une stature imposante (les personnages nous dominent) confèrent à cette scène une sensation de puissance, celle que Dounia cherche à acquérir par la suite en apprenant à se battre avec un « maître asiatique » (encore une référence au cinéma populaire qui tend à faire de la banlieue un territoire cinématographique). Cette nouvelle séquence mélange scènes de deal de drogue et apprentissage du combat, manière de signifier que le trafic représente le combat de Dounia pour s’en sortir. La musique classique qui accompagne cette succession de scènes prépare la tragédie en donnant une dimension « opératique » au film. Il est construit comme une tragédie d’opéra.
Si les personnages féminins exhibent ainsi les archétypes de la masculinité, ce sont les personnages masculins qui endossent la part « féminine » du film. L'oncle de Dounia danse habillé en femme pour un public d'homme – il paraît plus féminin que Dounia. Lorsque Djigui la poursuit sur la passerelle du théâtre, la musique qui s’emballe sur des percussions accentue la menace qu’il représente. Mais Djigui chute : la relation de force s'inverse, c’est Djigui qui est en position de faiblesse, il n'est plus menaçant. Dounia revient en arrière pour l’aider ; elle le sauve, inversant ainsi le schéma classique homme/femme au cinéma. Djigui le danseur est peut-être le véritable rôle « féminin » du film, car donner de la masculinité et de la force aux femmes, c’est donner le droit aux personnages masculins d’être faibles, et l’opportunité d’être autre chose qu’un archétype de virilité.
Lorsque Rebecca confie un téléphone à Dounia pour pouvoir la joindre, celle-ci découvre les faux noms inscrits dans le répertoire sous lesquels se cachent les numéros de Samir et Rebecca : « papa » et « maman ». Rebecca est plus qu’un modèle : c’est une mère de substitution. Une mère qui n’hésite pas à « frapper et caresser », qui apprend à sa « fille adoptive » comment devenir forte, la loi de la rue, et comment libérer sa féminité, qu’elle révèle lorsqu’elle lui détache les cheveux : « tu pourrais vraiment être très belle. Tu te rends pas compte, c’est normal t’es encore qu’une gamine » dit-elle à Dounia maternellement. Suite à cette scène, Dounia qui gardait toujours les cheveux attachés, évoluera les cheveux détachés. Elle apprivoise progressivement sa féminité, et Rebecca poursuit son initiation en lui apprenant à marcher avec des talons. Lors de la scène de la boîte de nuit, quand Dounia monte sur l’estrade pour attirer l’attention de Reda, une lumière dorée tombe sur sa chevelure et la sublime. Elle est alors loin de la « bâtarde » du quartier qui dissimulait ses formes sous son blouson. Elle est en pleine possession de son pouvoir de séduction : une autre façon d’acquérir de la puissance.
Jusqu’ici, Dounia agissait en opposition par rapport à sa (véritable) mère qui est dans la séduction perpétuelle et l’exhibition appuyée de sa féminité. Par contraste, pour ne pas ressembler à sa mère qui lui fait honte, Dounia ne détachait jamais ses cheveux. Elle a appris à garder un visage dur, fermé, prêt à l’attaque. Si Rebecca prend Dounia sous son aile, c’est à l’inverse Dounia qui doit s’occuper de sa mère. Lorsqu’elles font du quad, la mère de Dounia se blottit contre elle, sa fille est devenue son rempart. Il y a inversion du rôle parental : c’est la mère qui est l’enfant, et Dounia qui est le parent. Lorsque Dounia sort du poste de police, elle doit choisir entre sa mère, et Rebecca. Elle choisit alors Rebecca qui représente pour Dounia une autorité parentale, mais Rebecca la rejette, et Dounia se retrouve seule, comme orpheline.
Dounia est un personnage tiraillé, partagé. Partagé entre deux figures maternelles, partagé entre la tentation de l’argent facile et un appétit pour le beau et la spiritualité, partagé entre le sacré et le profane. Après avoir quitté le lycée suite à la dispute avec sa formatrice, elle observe, assise contre la grille, son reflet dans son téléphone portable. L’écran de l’appareil est fêlé, et le reflet de Dounia est ainsi brisé, son visage est comme scindé en deux, exprimant un tiraillement et un déchirement du personnage entre deux pôles opposés.
Cette tension entre sacré et profane, la réalisatrice la met en place dès la première apparition de Dounia, qui interrompt la prière de Maimouna à la mosquée. Dounia porte un pull à capuche qui contraste avec la djellaba de Maimouna. Derrière Dounia, une lueur éclatante créée une tension entre ombre et lumière. On retrouve ce jeu de clair-obscur lorsque Dounia vole la drogue de Samir. Elle se presse à travers un immeuble désaffecté et sa silhouette est encore partagée entre ombre et lumière. Cela évoque la dualité du personnage, qui hésite entre les bons et les mauvais choix, le bien et le mal, le sacré et le profane.
Houda Benyamina questionne la présence du divin dans la banlieue. Elle confère à son ouverture en vidéos « Snapchat », qui montre des images très quotidiennes de la vie de quartier, un esprit sacré grâce à la musique. Elle fait apparaître le titre du film dans le ciel, dans la ligne de fuite de la verticalité des immeubles qui entraînent le regard vers les cieux. Elle fait se côtoyer trafic et religion. Le couloir derrière la mosquée est la planque de la drogue de Samir et le lieu des deals, et Dounia porte une djellaba lorsqu’elle chaparde au supermarché.
Trois couleurs dominent le film : bleu, rouge et jaune. Le bleu est la couleur de la banlieue « chronique sociale », la couleur du quotidien de Maimouna et Dounia. Écharpes et vêtements divers, tôles, fenêtres, grille du lycée, tuyau de douche du camp de Roms, la couleur bleue revient de manière récurrente dans les costumes et le décor, ce qui favorise l’impression d’un univers froid et monochrome, appuyée par le travail de la photographie dans les scènes de rue.
A contrario, une photographie jaune, plus chaude, accompagne les lieux qui sortent Dounia de son quotidien : le théâtre avec son parterre doré, les rues de Paris avec les bords de Seine et les Champs-Élysées, et l’église catholique où elle fait un échange avec un fournisseur de drogue – là encore, Sacré et profane, religion et trafic, se côtoient intimement. Le cadrage sur le visage de Dounia lorsqu’elle fixe la gravure du Christ ressemble à une peinture (c’est un « plan-tableau »). Elle demande pardon à Jésus en arabe – le besoin de spiritualité transcende les religions.
La couleur rouge, c’est celle associée à Rebecca, à la tentation de l’argent facile, à l’illégalité. La voiture décapotable rouge (la première chose qu’on voit de Rebecca), les chaises « Miko » rouges où s’assied la caïd, les bidons d’essence rouges que lui apportent Dounia, le parfum Cartier rouge qu’elle offre à sa mère...Dounia porte une veste rouge quand elle passe définitivement du côté de l’illégalité, lorsqu’elle récupère le terrain de Samir et attend avec Maimouna les premiers acheteurs. Le rouge est aussi la couleur de la violence : le casque de l’agresseur de Dounia et le sang sur son visage lorsqu’elle se fait agresser.
La tension entre bleu et rouge est présente pendant tout le film, car si le rouge renvoie à l’univers de Rebecca, celui de l’illégalité, le bleu est également la couleur du divin et renvoie à la toute première image du film : le fond abstrait bleu. Le bleu est aussi la couleur de la djellaba de Dounia, la couleur de la nuit sous la lumière bleutée de la lune qui est selon Maimouna l’œil de Dieu qui les regarde. Le jeu de couleurs bleu/rouge est donc une autre façon pour Houda Benyamina de mettre en scène son questionnement entre le sacré et le profane dans la banlieue.
Mais la religion n’est pas la seule voie qui mène au Sacré. L’Art représente une autre issue, une alternative à la puissance de l’argent dans lequel Dounia a placé sa foi. « La danse ça ment pas, c’est sacré » dit Djigui. Dounia est fascinée par la sensualité de ce danseur à l’énergie bestiale qui n’a pas fait d’école de danse. Elle l’observe depuis la passerelle, comme Noodles observait, à travers un trou dans le mur des toilettes du restaurant, la petite danseuse s’exercer dans « Il était une fois en Amérique » de Sergio Leone. Une autre référence (inversée : c’est une femme qui observe un homme danser dans « Divines ») au grand cinéma américain. A travers des cadrages en « plongée » (point de vue supérieur) et « contre-plongée » (prise de vue prise depuis le bas) qui se répondent, Benyamina travaille une tension haut/bas qui évoque une possible élévation par l’Art. En regardant Djigui danser, Dounia accède au sentiment esthétique du "Beau", touchée par la grâce du danseur. Quand Djigui se déshabille, il exprime une mise à nu qui a lieu quand il danse. D’une certaine façon, Djigui est toujours nu quand il danse, même quand il est habillé.
Maimouna devient spectatrice-critique face au spectacle de la danse : « ça manque de technique, c’est robotique, y’a pas de supplément d’âme ». Ses commentaires montrent qu’elle est capable d’apprécier un spectacle d’art contemporain même si elle vient de la banlieue, qu’elle est capable d’être touchée par cet art, de le comprendre : « Tu vois, dés qu’il s'est laissé faire c'est devenu plus beau » dit-elle en parlant de Djigui, exprimant ainsi un point de vue sur le rapport entre un metteur en scène et l’artiste qu’il dirige. « Il vient de se faire dresser ». Comme Dounia, Djigui a un côté sauvage qu’il a besoin de canaliser à travers le regard d’une autre personne. Ici, son metteur en scène. Après l'audition de Djigui, passée sous ellipse, Dounia reproduit la danse devant une vitre du centre commercial. Sa fureur est retombée. Elle a fait l'expérience du "Beau".
De cette expérience naît le désir. Deux scènes se répondent en écho : la confrontation avec Djigui lorsque Dounia se rend compte qu’il a volé son argent et leur danse dans le supermarché. Dans la première des deux scènes, la caméra tourne autour de Djigui et Dounia pour accompagner leur affrontement dansé. La violence rejoint la danse, le conflit rejoint la grâce, ils sont rivaux et amoureux. Ils se tirent les cheveux, une baffe contre une baffe, leur violence et leur bestialité s’expriment à travers leur désir. La seconde scène a gagné en sérénité. La danse est ici un moment de libération pour Dounia, souligné par la musique. La caméra tourne autour d’eux en écho à la scène où ils se battaient, mais cette fois il n'y a plus de conflit, seulement de la fusion. Lorsque Dounia et Djigui s’embrassent pour la première fois, la réalisatrice les réunit en haut, sur la passerelle. L’amour les a élevés.
Djigui invite Dounia à assister à son spectacle de danse. Mais cette dernière choisit d’aller trouver Reda pour lui voler son argent. Ce choix, décisif, scelle le destin de l’adolescente. Le concert avec Reda baigne dans une lumière rouge qui contraste avec la lumière jaune du spectacle de danse : deux univers opposés, reliés dans la temporalité du film par la musique rap qui se superpose sur la danse contemporaine. Lors de la scène où Reda agresse violemment Dounia, le montage alterne les images de la bagarre et du spectacle de danse (on parle de « montage alterné »). Le sol doré du théâtre crée un effet esthétique fort, un effet « plastique ». Danse et combat, art et violence sont à nouveau liés. Le ralenti souligne l'action du corps de Djigui, les danseurs s'allongent sur le sol alors que Dounia est étendue, K.O. Les rimes visuelles entre la danse et l'agression mettent en avant deux destins possibles : Dounia aurait pu choisir de se rendre au spectacle. « T'aurais mieux fait d'y aller » lui dit Reda.
Dounia frappe Reda, le visage en sang. Sa violence s’est libérée, elle se déchaîne. Elle vit enfin son fantasme à l'américaine : une baignoire remplie de billets gagnés avec son sang. La musique classique accompagne la scène : l’argent revêt une valeur sacrée pour Dounia. Elle retourne à la salle de théâtre, mais elle est déserte. Les lumières sont éteintes. Il est trop tard.
Dounia s’est enfermée dans un cycle qui la conduira à sa chute, alors même que c’est cette chute qu’elle craint le plus. On le comprend lorsqu’elle raconte son rêve à Maimouna : « j'arrête pas de tomber, plus je tombe plus ça me brûle. Et à la fin j'ai plus mal, j'ai plus peur, j'ai juste envie de m'écraser pour que ça s'arrête ». Maimouna veut la rassurer en lui promettant d’être là pour la rattraper. On trouve dans le récit de son rêve la thématique du feu qui revient à plusieurs reprises dans le film : quand Dounia brûle la voiture de la mère de Samir, ou dans la boîte de nuit dont le décor se compose d’écrans qui projettent des flammes. Cette boîte de nuit est une image de l’enfer : les femmes ne sont plus que des corps, des objets de convoitises qui gravitent autour de la figure masculine toute-puissante et diabolique de Reda.
Dounia, par ses choix et sa fascination pour le Dieu argent, est l’architecte de son propre brasier. Dans le film « L’Impasse » de Brian De Palma, le personnage de Carlito (interprété par Al Pacino) pense jusqu’au dernier moment réussir à s’en sortir. Il est abattu sur le quai d’une gare juste avant de pouvoir fuir et laisser son ancienne vie derrière lui. Juste avant de mourir, il voit une affiche publicitaire qui promet un voyage paradisiaque dans les îles. La trajectoire de Dounia est très analogue à celle de Carlito. Alors qu’elle a rejoint la gare pour partir avec Djigui et l’argent, un retournement de dernière minute met fin à ses projets de voyage : Rebecca tient Maimouna en otage. Ses choix la rattrapent. La retiennent. Ses rêves d’île paradisiaque s’effondrent. Pouvoir s’en sortir en évoluant dans le milieu de l’illégalité et de l’argent facile était une illusion. Le Dieu argent l’a abandonnée.
Dounia retrouve Rebecca et Maimouna dans le cabanon où se joue l’acte final de cette tragédie opératique. Rebecca verse de l’essence sur Dounia, cette même essence que l’adolescente volait pour la caïd, et qui annonçait déjà un risque de combustion. Pendant tout le film, Dounia a joué avec le feu. Mais Dounia n’a plus peur de Rebecca, il y a eu rupture quand Rebecca l’a rejetée après la poursuite en quad avec la police. Dounia n’a pas peur de brûler, elle n’a pas peur de mourir, parce qu’elle n’a rien à perdre. A part Maimouna. La seule chose qui effraie Dounia, c’est de perdre Maimouna. Quand Rebecca la menaçait avec une arme, Dounia restait de glace, mais la panique la gagnait au moment où Rebecca pointait son pistolet sur son amie.
« Tu vas mourir, bâtarde » lui crie Rebecca. Dounia rentre dans une fureur démente, semblable à celle qui l’avait gagnée quand elle assommait Reda. « Je m’appelle Dounia ! » hurle-t-elle en s’acharnant sur Rebecca. Dounia se dresse contre Rebecca, contre son modèle, sa mère adoptive, en affirmant son identité, en écho avec la scène de la danse dans le supermarché où elle disait déjà à Djigui « je m’appelle Dounia ». Dans cette scène violente où elle frappe Rebecca, culmine le besoin de reconnaissance de Dounia qui a animé toutes ses actions. L’incendie est inévitable. Dans « L’ultime razzia » de Stanley Kubrick, l’argent que le héros avait eu tant de mal à dérober se dispersait sous ses yeux dans le souffle du réacteur d’un avion. Dans « Divines », l’argent tellement convoité brûle dans l’incendie et une ironie amère pèse sur cette image : tout ce que Dounia a entrepris a été vain.
Maimouna se retrouve prisonnière du cabanon en feu. Elle hurle : « papa ! » appelant son père l’Imam à la rescousse, et à travers lui, Dieu. Houda Benyamina interroge toujours Sa présence, où est-Il dans les moments où nous avons besoin d’être sauvés ? « Quand t'es Dieu, t'as des responsabilités, t'es obligé de veiller sur tes enfants » disait Maimouna. « Ouais ben en attendant il nous a pas reconnues », répondait Dounia, la « bâtarde », se sentant abandonnée de Dieu.
L’explosion qui emporte Maimouna annonce l’explosion de violence entre jeunes de la banlieue et policiers qui s’ensuit, métaphore des émeutes de 2005 où un dialogue social s’est rompu, perdu, impossible à raccrocher tant que les rêves d’une génération sacrifiée se cantonneront à avoir le droit de travailler comme des « larbins » pour un salaire de misère. Dounia regarde vers le ciel et demande pardon à ce Dieu qu’elle reniait. Rebecca reste en retrait et regarde ce qu’elle a provoqué. C’est une histoire qui ne leur appartient plus : le récit de « Divines » s’efface devant un affrontement entre jeunes et policiers qui le dépasse. Dounia reste abasourdie de douleur. Des jeunes la bouscule, une grille à la main, rappelant ce motif de l’enfermement, de la prison, qui a parcouru le film. Une lune pleine éclaire la scène, l’œil de Dieu observe sans intervenir. « Quand la lune est comme ça, les djinns deviennent fous » disait Maimouna. Les esprits maléfiques ont triomphé. Il n’y a plus personne pour rattraper Dounia.
– Pourquoi Dounia est-elle obsédée par l’argent ?
– Quels sont les éléments dans le comportement des personnages féminins qui sont habituellement réservés aux hommes ?
– Pouvez-vous repérer quelles sont les couleurs qui reviennent le plus souvent dans le film ? À quoi correspondent-elles selon vous ?
– Quels sont les mots tatoués sur les doigts de Rebecca ? Savez-vous à quel film ces tatouages font référence ?
– Pourquoi peut-on dire que Rebecca est la « mère adoptive » de Dounia ? Quelle est la relation que Dounia entretient avec sa véritable mère ?
– Pourquoi Dounia observe-t-elle Djigui en cachette ?
– À quel moment Dounia cesse-t-elle d’être « la bâtarde » ?
– Pourquoi peut-on dire que Dounia a fait les mauvais choix ?
Pour aller plus loin : découvrez le dossier pédagogique complet réalisé par Zéro de conduite cliquant ici.
– « Divines » a cumulé 160 heures de rushs et 50 semaines de montage.
– Oulaya Amamra, qui interprète Dounia, est la petite sœur de la réalisatrice. Au début, celle-ci ne voulait pas lui donner le rôle, alors Oulaya a travaillé le sport de combat, s’est investie à 100 % et s’est même faite renvoyer de son lycée pour convaincre sa sœur qu’elle pouvait être Dounia !
– Le film devait à l’origine s’appeler « Bâtarde », mais la réalisatrice Houda Benyamina a changé le titre pour valoriser ses héroïnes et mettre en valeur l’aspect « sacré » qui le parcourt.
– Lorsque Benyamina a proposé au scénariste Romain Compingt d’écrire le film avec elle, celui-ci n’était pas certain d’être légitime, ne connaissant rien à la banlieue. Benyamina lui a alors dit : « tu connais l’amitié ? Tu connais l’amour ? Alors c’est bon tu peux écrire le film ! »
– La réplique du film « t’as du clito » est devenue une réplique culte.
– Le film a eu du mal à monter son budget, car les financiers n’y voyaient qu’un « énième film de banlieue ». « Alors qu’un énième film parisien ne dérange personne » réplique Houda Benyamina.
– Houda Benyamina a créé le personnage de Rebecca suite à une rencontre avec une caïd dans une cité.
– Houda Benyamina a commencé à imaginer l’histoire de « Divines » suite aux émeutes de 2005 dans les banlieues.