Au large

Déjouant la surveillance de leur éducatrice et s'émancipant de leur groupe de copines, deux adolescentes en vacance à Marseille vont s'aventurer au large.

Public ciblé: 
Tout public
Genre: 
Comédie dramatique
Durée: 
25 minutes
Langue: 
Français
Lieu Concerné - ville: 
Marseille
Date de sortie: 
2010
Réalisateur / Réalisatrice: 
Emilie Carpentier
Comédiens: 
Oury Bomou
Dany Bomou
Radiatou Soumaré
Delphine Hodge
Coumba Bomou
Vanessa Meynard
Production: 
entre2prises

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Emilie Carpentier :

06 64 20 16 56

emicarpentier@hotmail.fr

1. Actrices naturelles et spontanées,

2. Répliques cinglantes,

3. Poésie.

Comment exister, s’affirmer, dans un groupe où chaque geste, chaque regard est commenté, moqué ? « Au large » offre à ses jeunes héroïnes venues des banlieues parisiennes l’occasion d’éprouver un sentiment de liberté contenu en chacun de nous. En les immergeant dans un autre monde, le film confronte des univers et les codes qui les régissent. Il pose la question de l’émancipation.

Festivals :

Festival Tous courts d'Aix-en-Provence 2011,

Compétition internationale Rencontres du Film Femmes Méditerranée, La Ciotat, 2012.

Une bande d’adolescentes des cités périphériques parisiennes débarque sur la plage à Marseille. Elles se moquent des vacanciers, tchatchent, se charrient. Adja et Dalia, deux sœurs, décident de quitter ce petit groupe, fatiguées des railleries.

Elles s’éloignent de la plage et trouvent une barque abandonnée au bord de l’eau. Elles l'empruntent pour faire un tour, et s’endorment sous le soleil ardent. Mais au réveil, elles se rendent compte que la barque a dérivé loin de la terre ferme. Perdues en pleine mer, elles paniquent et la barque se renverse.

Inquiètes, leurs copines partent à leur recherche et finissent par prévenir les gardes-côtes. Adja et Dalia, accrochées à leur barque, sont au désespoir tandis que la nuit tombe sur Marseille.

C’est alors qu’un bateau de plaisance apparaît comme par miracle. Adja et Dalia sont recueillies par une bande de jeunes partis en mer pour fêter un anniversaire. Karaoké, champagne, cigarettes, elles se retrouvent dans un univers qui leur est inconnu. Tandis qu’Adja finit par s’adapter, Dalia reste mutique et refuse de se mélanger.

Le lendemain matin, le bateau s’approche du rivage pour qu’elles puissent regagner la terre ferme à la nage. Elles retrouvent leurs copines qui étaient folles d’inquiétude.

Après une licence de lettres modernes, et une formation de styliste-modéliste, Emilie Carpentier devient costumière auprès de compagnies de théâtre et de danse depuis 2004.

En parallèle de cette activité, elle se lance dans la réalisation de films et tourne un premier court-métrage, « Les ombres qui me traversent », en 2007.

Son second court-métrage, « Au Large », sort en 2010 ; la même année elle intègre la formation scénario de la Fémis et commence à encadrer des ateliers cinéma pour adolescents en banlieue parisienne, dans le cadre du dispositif Passeurs d’Images de l’Arcadi.

En 2013 elle réalise deux épisodes de la Web série « Demain j’lui dis », projet du collectif TRIBUDOM. Elle travaille actuellement sur un projet de long-métrage.

Fraîchement débarquées de leur cité, Adja, Dalia et leurs amies découvrent la plage. Dans cette première scène, le film nous immerge dans la bande des adolescentes à travers l’utilisation de la caméra portée. Les filles forment une ligne, un bloc : elles fonctionnent en groupe. On comprend qu’elles n’ont pas l’habitude d’aller à la mer lorsque l’une d’elle dit : « mate la daronne là-bas elle a même pas de soutifs ». C’est un choc des cultures.

Sorties de leur environnement quotidien, les filles vont reproduire les codes de leur cité. La musique écoutée à fond sur un téléphone est « la même chanson que tous les jours ». Comme un morceau de la banlieue amené à la plage. Adja et Dalia, qui sont sœurs, se lèvent et dansent sur la musique au milieu des vacanciers, comme elles pourraient le faire dans les rues de leur ville, quand elles traînent avec les copines.

Déjà on note que, contrairement à leurs amies, Adja et Dalia n’ont pas peur de « s’afficher ». Leur danse aux yeux de tous traduit un besoin d’émancipation plus fort que chez les autres personnages. Mais quand Dalia s’écroule sur deux personnes âgées, qui, gênées, décident de s'éloigner, on comprend que les filles n'arrivent pas à s’adapter à cet environnement nouveau qu’est la plage : elles n’en maîtrisent pas les codes.

Dans cette partie du film où les filles sont assises sur le sable, la mise en scène privilégie un montage dynamique pour rendre compte des rapports de force dans le groupe. La caméra se situe « à l’intérieur » du cercle formé par la bande pour immerger le spectateur dans leurs interactions. Le film montre comment faire partie d’un groupe peut être embrigadant, entraver les désirs et empêcher l’émancipation.

Sous le regard de leurs copines, les filles n'osent pas se mettre en maillot. Elles ont peur, elles ont honte. Elles tchatchent et se charrient pour mieux cacher leur timidité, leurs complexes. De nombreuses images sur les vacanciers en maillot renforcent le fait que les filles restent habillées, malgré la chaleur dont elles se plaignent. Cela traduit une peur d'affirmer leur féminité, elles se cachent derrière leurs vêtements.

Mais les regards des filles trahissent parfois la naissance de leur désir lorsqu’ils se posent sur les jeunes hommes en maillot. L’une d’elles se décide à enlever son tee-shirt pour se mettre en maillot de bain, ce qui crée la surprise et la confusion chez les autres : « t’es sérieuse ? On voit tout ! »

Le son des conversations diminue quand Adja focalise son attention sur le jeune homme qui joue à la raquette. Cette attention accrue portée par Adja au jeune homme est soulignée par le son de la balle contre les raquettes et celui des expirations produites par l’effort qui sont mis en avant. Puis les voix des copines reviennent au premier plan, venant mettre fin à son fantasme et brimer son désir : Adja va subir les moqueries.

Chaque regard est commenté, chaque vêtement retiré est un affront, chaque tentative de s’affirmer est moquée. Le groupe est enfermant, il n’est fait que de limites et d’interdictions tacites qui se rapportent aux codes de la cité. En quittant la bande, Adja et Dalia font un premier pas vers l’émancipation.

Alors qu’elles étaient auparavant immobiles, assises sur le sable, comme prisonnière du bloc formé par le groupe, elles sont maintenant en mouvement, marchant pieds nus dans l’eau. La caméra elle aussi se met en mouvement alors qu’elle privilégiait les plans fixes pour filmer la bande. Sorties de cette fixité (de la caméra et des personnages), Adja et Dalia sont filmées dans un long mouvement latéral de la caméra qui les suit dans leur promenade parmi les vacanciers. Cette scène contraste avec celle qui ouvrait le film, qui était filmée avec une caméra portée fébrile et chaotique qui épousait la tchatche et l'énergie ping-pong des personnages. Ici, le son de l'eau est prégnant, il remplit le champ sonore. Il y a quelque chose de plus serein, le mouvement de caméra est donc, logiquement, plus stable.

Dans la scène suivante, alors qu’elles s’éloignent de la plage, Dalia dit à sa sœur : « ça se voit on a quitté Paris là ». C’est très symbolique que Dalia réalise pleinement qu’elle se trouve dans un environnement différent du sien à ce moment-là du film. Le groupe importe les codes de la cité à la plage, il n’y a donc pas de véritable rupture avec leur quotidien. En se séparant du groupe, Dalia et Adja peuvent commencer à vivre pleinement ce voyage. Lorsqu’elles trouvent la barque, c’est un désir de liberté qui s’exprime. Il est affirmé par l’arrivée de la musique, douce comme une berceuse, qui accompagne leur escapade en mer.

Quand Adja et Dalia se réveillent et se rendent compte qu'elles ont dérivé au large, la caméra, instable, tangue pour accompagner la panique des personnages. L’image où elles pagaient avec le rivage en arrière-plan permet à la cinéaste de situer ses personnages et d'augmenter notre angoisse : « on est archi loin ! » Le suspense est encore renforcé par des allers-retours au montage sur les copines restées sur le sable, qui sont filmées en cadrages fixes (la caméra ne bouge pas) avec une bande-son atténuée, ce qui souligne par contraste la dramaturgie de la situation désespérée d’Adja et Dalia.

Leurs copines, inquiètes, partent à leur recherche. Quand l’une d’elle se penche au bord du rocher, l'eau qui était un élément associé aux vacances devient d'un coup un élément source d'angoisse, un danger.

Le bateau qui va sauver Adja et Dalia apparaît dans le flou, comme dans un rêve. Ahuries, les deux sœurs se retrouvent dans un nouveau groupe dont les codes sont très différents des leurs. C’est un nouveau monde qui leur est inconnu. Les jeunes du bateau les traitent au départ comme des poupées : « elles sont mignonnes », « faut les sécher, faut les changer ». On les habille, leur donne des robes ; par la force des choses, Adja et Dalia voient leur féminité, d’un coup, réaffirmée.

Elles se retrouvent au milieu d'une fête d'anniversaire parmi des jeunes très « libérés » : ils fument, ils boivent, ils séduisent...Dans cet environnement étranger qu'elles ne maîtrisent pas, Adja et Dalia perdent leur tchatche et restent muettes. Cette situation improbable crée à la fois un décalage et un sentiment d’étrangeté, comme si les filles avaient plongé dans un rêve. Elles cherchent leur place dans le cadre, ne sont pas à l’aise. Il y a un renversement : elles qui dansaient devant tout le monde sur la plage n'osent maintenant pas danser avec les fêtards.

Mais Adja va progressivement abandonner son carcan et se joindre à la fête. La musique s’atténue, un grondement sourd envahit la bande-son comme pour traduire son trouble, son vertige : c’est un moment de basculement pour le personnage. Adja commence à danser avec un garçon, ce qui choque sa sœur : « qu'est-ce que tu fous ? » Alors qu’Adja danse et boit, Dalia elle ne parvient pas à s’adapter. On la fait s'asseoir dans une « bulle » en verre : c’est un motif de la cage qui traduit, visuellement, l’enfermement de Dalia, son incapacité à s’ouvrir aux autres. Un autre moment dans le film fait écho à ce motif de la « cage en verre », lorsque les copines sont dans la cabine des sauveteurs, appuyées contre la vitre.

Adja serait donc la seule qui parviendrait à se « libérer » du carcan de la cité. Elle prend part à la fête, contrairement à Dalia, qui la subit. Au matin, elles doivent quitter le bateau et regagner la terre à la nage : elles quittent ce monde pour regagner le leur, sortent du rêve pour retrouver la réalité. Le rivage fait office de frontière, de délimitation : le bateau ne peut pas les ramener jusqu’à la plage pour ne pas s'ensabler, mais aussi parce qu'il est une comme bulle hors du monde, déconnecté de leur réalité. La mer et son horizon infini représentent un espace de possible, de liberté, tandis que la terre ferme et le sable représentent un espace de réalité et de limites. Le cadrage rapproché sur leurs pieds qui foulent le sable renforcent alors l’impression d’un retour à une réalité tangible, sensible, matérialisée.

Dans la scène finale, Adja est la dernière à quitter le cadre. Une mélancolie semble flotter sur son visage. Que garde-t-elle de cette aventure ? Entre quête et perte de soi, « Au large » capte cet étrange moment de l’adolescence, compliqué par les rapports au sein de ce groupe, où chacune masque son peu d’estime de soi sous une agressivité constante. Le film invite à s’affranchir des carcans et à conquérir sa liberté.

- Pourquoi les filles ne veulent-elles pas se mettre en maillot de bain ?

- Pourquoi peut-on dire que la dynamique du groupe est contraignante, qu’elle empêche une forme de liberté ?

- Quels sont les éléments qui trahissent le fait que les filles ne sont pas dans leur élément à la plage ?

- Peut-on dire que la fête sur le bateau est « un autre monde » ?

- Quelles attitudes adoptent Adja et Dalia sur le bateau ? En quoi s’opposent-elles ?

- Que pensez-vous des jeunes du bateau ? Est-ce que la liberté c’est boire et faire la fête ?

- Comment interprétez-vous le regard d’Adja dans la dernière scène ?

 

Pour aller plus loin : découvrez le making of du film en cliquant ici.

- « Au large » a été tourné en bord de Méditerranée, avec des jeunes filles rencontrées par la réalisatrice dans un atelier théâtre en banlieue parisienne.