Dans la tour d’une petite cité de province, Laurence, quinze ans, travaille son violoncelle, sous le regard exigeant de son père. Au pied de leur immeuble, une bande de jeunes, que le père de Laurence, au chômage depuis trop longtemps, ne supporte plus.
Comment vivre ensemble quand les jeunes de la cité font trop de bruit?
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LA LUNA PRODUCTIONS
Sébastien Hussenot
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1. Formidable bande de jeunes amateurs,
2. Mise en lumière de la banlieue de province,
3. Musique immersive et travaillée.
A travers un conflit générationnel entre une jeunesse de cité et un père de famille qui cherche à préserver sa fille, « Ultrasons » place la question du vivre-ensemble au cœur de son récit. Comment se comprendre lorsque le dialogue est coupé ? Comment partager un espace quand la crainte est fondée sur des préjugés ?
Festivals :
Rencontres Henri Langlois (festival international des écoles de cinéma) (FRANCE) 2012
Dubai International Film Festival (EMIRATS ARABES UNIS) 2012
Festival Internazionale del Cortometraggio di Resana (ITALIE) 2013 (Compétition)
Diffusion :
Turner TV (Argentine)
Laurence étudie le violoncelle au conservatoire. Son père, au chômage, ne quitte jamais l’appartement et surveille ses moindres allées et venues depuis la fenêtre de leur immeuble qui se situe dans une banlieue de province.
Une bande de jeunes du quartier, enfants et adolescents de toutes origines, s’est établie au pied de l’immeuble, ce qui inquiète et agace le père. Laurence, elle, s’entend bien avec la bande, qui la sort du cadre strict dans lequel elle évolue au quotidien, chez elle ou au conservatoire. Max, le motard qui s’amuse à faire le tour du pâté de maison avec sa motocross, aimerait bien sortir avec elle.
Pour se débarrasser des jeunes, le père commande sur internet un haut-parleur qui émet un ultrason inaudible pour les adultes, mais insupportable pour les oreilles des jeunes. Un soir, Laurence reste traîner avec les jeunes de la bande et rentre tard. Le lendemain, sa mère la conduit au conservatoire et reste en faction jusqu’à la fin de la leçon pour la ramener. Mais Laurence, constatant que sa mère s’est endormie dans la voiture, décide de rentrer à pieds et traverse la ville dans le calme de la nuit.
Elle retrouve Max, et reste avec lui tandis que la dispute de ses parents, fous de colère et d’inquiétude, retentit dans tout le quartier.
Le jour suivant, alors que Laurence s’exerce à son violoncelle, le père décide de mettre son plan à exécution. Il fixe le haut-parleur à ultrasons au mur de l’immeuble et l’actionne. L’ultrason produit agresse alors violemment les oreilles des jeunes, tandis que les adultes ne perçoivent pas la fréquence aiguë. Laurence essaye de faire tomber le haut-parleur mais son père l’en empêche et la frappe. Elle quitte l’appartement, à bout.
De leur côté, les jeunes s’organisent : ils ont trouvé une échelle et l’un d’entre deux grimpe sur la façade de l’immeuble pour tenter de casser le haut-parleur. Le drame attendu a lieu : il fait une chute mortelle.
Le soir venu, la banlieue, saccagée, est devenue le théâtre d’intenses affrontements entre les jeunes du quartier et les forces de l’ordre.
May Bouhada est née en 1972. Elle est comédienne, auteure, metteuse en scène de théâtre, et réalisatrice. Diplômée du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique en 1997, elle a écrit pour le théâtre, la radio, le cinéma et l’opéra.
Son premier court métrage, « L’Année de l’Algérie » (2008), est primé dans des festivals internationaux. En parallèle de son travail de mise en scène au théâtre, elle réalise un deuxième film, « Ultrasons », en 2012.
Dans une salle de classe du conservatoire dont les murs ressemblent à ceux d’une prison, Laurence s’exerce au violoncelle sous les yeux de sa professeure. Elle n’arrive pas à jouer le morceau, elle reprend encore et encore. Quelque chose coince, il y a comme un blocage.
Pour Laurence, le violoncelle est une contrainte. Elle porte son instrument sur son dos comme un fardeau. Le conservatoire est un lieu enfermant, auquel elle ne semble pas s’identifier et qui la prive de liberté. Quelque chose sonne faux – pas seulement son interprétation, mais son rapport même avec l’instrument qui paraît sans joie, sans passion. Sa présence au conservatoire, milieu réservé à une classe moyenne bourgeoise, sonne faux également : Laurence se sent mieux avec les jeunes de sa cité de province, qui l’attendent à l’arrêt de bus quand elle rentre un soir, avec des sourires candides aux lèvres.
La première scène de la leçon au conservatoire a quelque chose d’étouffant : les cadrages sont proches des personnages, la caméra portée crée une instabilité dans l’image. Puis le montage juxtapose à cette leçon un cadrage beaucoup plus large : le son de la moto vient progressivement remplacer celui du violoncelle, et nous voyons Max parcourir le panorama de la cité sur sa motocross. Il y a beaucoup d’espace dans le cadre, le plan « respire », en opposition aux cadrages étouffants du conservatoire. La moto vient exprimer l’appel de la liberté, les grands espaces.
Nous retrouvons Laurence dans sa chambre, en train de jouer devant son père. Les cadrages sont similaires à ceux de la scène de la leçon au conservatoire : des cadrages rapprochés en caméra portée. Les deux espaces (appartement et conservatoire) ont en commun d’être des lieux enfermants pour Laurence. Le vrombissement de la motocross se fait entendre dehors, par la fenêtre ouverte ; c’est, de nouveau, l’appel de la liberté, l’appel du dehors, de l’évasion.
Le père lui aussi semble enfermé dans son propre appartement : il n’en sort jamais et doit demander à sa femme de conduire Laurence au conservatoire. Après qu’il a commandé le haut-parleur ultrason sur internet, un cadrage nous le montre en train de fumer une cigarette à la fenêtre. Il semble faire partie intégrante de l’immeuble, comme incrusté dans le mur – l’encadrure de la fenêtre dessine comme une cage, dans laquelle il tourne en rond.
Laurence passe de l’appartement au conservatoire, d’une prison à l’autre, surveillée par des parents « vigies » qui refusent qu’elle s’émancipe : le père observe ses allées et venues depuis la fenêtre, la mère patiente devant le conservatoire pendant la leçon.
Pendant que Laurence fume une cigarette avec les jeunes sous l’arrêt de bus, le père attend dans l’appartement, anxieux. Le montage alterne les scènes entre Laurence et son père pour créer une tension, renforcée par l’utilisation de la caméra portée. Le père est « surcadré » par la porte – c’est-à-dire que l’encadrure de la porte fait un comme deuxième cadre à l’intérieur de l’image, ce qui renforce la sensation d’enfermement.
Laurence a besoin de liberté. Elle la trouve dans les chemins qui relient les deux espaces-prisons de l'appartement et du conservatoire : en bas de son immeuble avec les jeunes de la cité, ou dans son échappée nocturne solitaire à travers la ville. Dans cette scène, elle s’arrête pour écouter un musicien de rue. Soudain, la musique n’est plus source d’enfermement, elle accompagne l’escapade de Laurence, son moment d’évasion. Soudain, la musique n’est plus une contrainte, et Laurence semble parvenir à être émue, à trouver de la beauté dans la pratique de la musique, entre deux rues, loin du conservatoire et de ses parents.
La bande-son du film est essentiellement composée d’instruments à corde qui donnent un accent mélancolique ou inquiétant aux images. Le son du violoncelle et celui de la motocross s’opposent et s’affrontent durant le film : des mélodies qui traduisent un malaise contre un vrombissement qui est le vacarme d’un désir de liberté.
Une musique angoissante jouée au violoncelle se superpose sur des images de la cité : les jeunes discutent, insouciants, des enfants jouent...le contraste entre ces images innocentes et la musique angoissante annonce qu’une tragédie va se produire : cette vie de quartier s’apprête à être perturbée.
Le père de Laurence a décidé de chasser les jeunes qui squattent le bas de son immeuble à l’aide d’un appareil à ultrason. Le son des cordes du violoncelle est dès l’ouverture du film associé à l’ultrason : sur un fond noir, un son aigu se mélange au son du violoncelle. Le violoncelle enferme Laurence dans un cadre contraignant qui ne lui correspond pas (le conservatoire) tandis que l’ultrason permet au père de chasser la bande de jeunes sans chercher à communiquer, afin de rester enfermé sur lui-même, sans bruits, sans vie alentours.
Le film insiste sur des métaphores avec le règne animal : le chien est aussi sensible aux ultrasons que les jeunes, et des images d’insectes reviennent plusieurs fois dans le film. Aux yeux du père de Laurence, cette bande de jeunes qu’il observe depuis sa fenêtre est littéralement une bande d’insectes. Il ne cherche pas à les connaître et projette sur eux des préjugés préfabriqués. Ils sont associés au chien de Laurence : le père traite ces jeunes comme des animaux.
Il n’y a jamais de rencontre entre le père et les jeunes. Le film se construit verticalement, dans une dynamique haut/bas : en haut, l’appartement, la fenêtre depuis laquelle le père scrute, observe. Son agacement et ses craintes vont grandissants. En bas, les jeunes, bruyants, pleins de vie, dans leur bande, dans leur monde – c’est leur territoire. La zone n’est pas partagée, les jeunes se l’approprient, tandis que les adultes restent cachés dans leur appartement, immobilisés par leurs préjugés.
Laurence est prise entre deux feux, tiraillée entre le haut et le bas, entre sa vie de famille et son amitié avec les jeunes de la bande. Lorsqu’elle quitte le conservatoire, un mouvement de caméra bascule pour la filmer d’en haut. C’est une « plongée zénithale », c’est-à-dire que la caméra se situe à 180 degrés au-dessus de Laurence, donnant à l’image une sensation d’écrasement dans son extrême verticalité. Cette scène fait écho au regard du père lorsqu’il observe sa fille quitter l’immeuble depuis sa fenêtre. Laurence est écrasée par son destin et son environnement familial. Elle est en permanence sous surveillance.
Si le dialogue est rompu entre le père et la jeunesse en bas de son immeuble, un indice visuel nous indique qu’il aurait pu en être autrement. Un enfant demande à Max le motard pourquoi sa moto est bleue. « Parce que c’est ma couleur préférée » répond Max. Au même moment, le père les observe depuis la fenêtre : la couleur de son pull est bleu, tout comme les murs de la chambre de Laurence. Une association visuelle est faite à travers l’utilisation de la couleur bleue, comme pour signifier que des choses les rapprochent, dont ils n’ont pas conscience.
Ironie du sort, le stratagème de l’appareil à ultrason a l’effet inverse que celui escompté : plutôt que de faire fuir les jeunes, le haut-parleur les attire, et les réunit pour faire front face à un ennemi commun. Alors que les jeunes tentent de se débarrasser de l’appareil, le montage devient plus « cut », c’est-à-dire que les images s’enchaînent plus rapidement, de manière plus dynamique et concise. La caméra portée capte ici l’énergie qui se dégage de l’effervescence des jeunes.
Laurence, elle, s’excuse auprès de Max et quitte la scène. Elle est évacuée du récit. Des sons de cordes très aigus sont alors associés à l'ultrason, pour nous faire sentir qu'elle est arrivée à saturation, comme surchargée. Elle quitte le cadre. Elle abandonne.
La dernière scène du film est un « plan-séquence », c’est-à-dire que toute la scène est tournée en une seule prise, sans montage. La bande-son fait exister le « hors-champ » (ce qu’il se passe aux alentours du cadre mais qu’on ne voit pas directement) tandis que le mouvement de caméra parcourt lentement l’entrée de l’immeuble que le père essayait de protéger, et qui est devenue, suite au drame, un véritable champ de bataille.
Cette scène finale évoque la révolte des banlieues de 2005. Rien de bon ne peut sortir d’un dialogue rompu, d’un regard fait de craintes et de préjugés. Lorsqu’on considère une jeunesse en manque de repères comme des chiens, ou des insectes, on crée une violence sociale. Qui, au bout du compte, se manifeste par une autre violence destructrice.
- Comment décririez-vous le lieu du conservatoire ? Laurence y trouve-t-elle sa place ?
- Que représente selon vous la motocross de Max ?
- Quelle est la réaction de Laurence lorsqu’elle entend le joueur de flûte dans la rue ? Pourquoi ?
- Pourquoi le père de Laurence décide-t-il de placer un haut-parleur qui émet un ultrason ?
- Quelle est la place des animaux dans le film ? Comment l’interprétez-vous ?
- Quelle est selon vous la morale de ce film ?
- « Ultrasons » a été tourné dans les quartiers de Poitiers et de Châtellerault.
- May Bouhada a également posé sa caméra au conservatoire de musique de Châtellerault, dans les immeubles et les rues des Couronneries.
- May Bouhada a travaillé directement avec les jeunes issus des quartiers où elle a tourné son film pour former la bande de jeunes victimes des ultrasons. Ils étaient tous amateurs.