D’un petit village du sud de l’Iran aux cités parisiennes, Kheiron nous raconte le destin hors du commun de ses parents Hibat et Fereshteh, éternels optimistes, dans une comédie aux airs de conte universel qui évoque l’amour familial, le don de soi et surtout l’idéal d’un vivre-ensemble.
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1. Histoire vraie,
2. Humour,
3. Optimisme.
En retraçant le parcours de ses parents, qui ont fui la dictature iranienne pour venir s’installer en Seine-Saint-Denis, Kheiron fait l’apologie de l’amour, de la détermination et surtout du dialogue social. « Nous trois ou rien » fait passer un message d’espoir basé sur le vivre-ensemble, tout en dénonçant les tyrannies à travers le monde et en donnant un visage positif à l’immigration.
Festivals :
Festival International du Film de Münich (Allemagne, 2016)
Rendez-vous avec le nouveau Cinéma français à Rome (2016)
Rendez-vous du cinéma français à Paris (France, 2016)
Festival international de Hong Kong (Hong-kong, 2016)
Festival International du Film de Tokyo (Japon, 2015)
Distinctions :
Nomination aux César du Cinéma Français pour le Meilleur Premier Film (France, 2016)
Iran, 1955. Hibat grandit au sein d’une famille de douze enfants qui passent leur temps à se disputer la nourriture. Devenu jeune homme, son diplôme d’avocat en poche, il s’engage dans la résistance communiste pour lutter contre la dictature du Chah d’Iran, régnant sans partage sur le pays. Mais il est arrêté avec son frère Aziz et ils sont enfermés dans une prison pour les opposants politiques. Ils y côtoient les révolutionnaires islamistes avec qui règnent de fortes tensions.
Le jour de l’anniversaire du Chah, un gâteau est offert à chaque prisonnier en l’honneur de leur souverain. Hibat refuse de manger le gâteau, et continuera, obstinément, de refuser, malgré la torture. Il devient un symbole de la révolution. Alors qu'Hibat en est à sa septième année de détention, le Chah se voit contraint de libérer les prisonniers politiques. Peu de temps après, le peuple qui manifeste depuis des années finit par renverser son régime et le souverain déchu doit fuir.
Mais les espoirs de démocratie des révolutionnaires communistes sont vite déçus : l'ayatollah Khomeini instaure une dictature religieuse avec l’appui des révolutionnaires islamistes. Hibat et ses amis sont donc à nouveau traqués par le régime en place.
Hibat fait la rencontre de Fereshteh qui devient sa femme, malgré la réticence de ses parents qui ne veulent pas qu’elle soit en danger. Après le mariage, le couple doit sans cesse déménager pour ne pas se faire capturer par la police du régime. Fereshteh accouche et l’enfant est nommé Manoucher, dit « Nouchy ». Face aux risques d’arrestations, nombreuses et suivies d’exécutions, Hibat et sa famille doivent fuir l’Iran.
Les parents de Fereshteh parviennent à les conduire jusqu’à la frontière malgré un barrage et un contrôle de tous les dangers. Hibat et Fereshteh doivent maintenant traverser les montagnes enneigées pour gagner la Turquie. Ils finissent par partir en France après avoir obtenu l’asile politique.
Ils se retrouvent dans un environnement différent de tout ce qu’ils ont connu : la Seine-Saint-Denis. Ils doivent repartir de zéro, apprendre la langue, cumuler les petits jobs de jour comme de nuit. Hibat doit repasser son diplôme d'avocat tandis que Fereshteh travaille comme infirmière, en plus du reste.
Les années passent et Hibat s’investit dans la vie associative du quartier, gardant l’espoir de pouvoir retourner un jour dans son pays d'origine. A la mort de l’ayatollah Khomeini, un nouvel espoir naît en Iran. Mais Hibat et Fereshteh choisissent finalement de continuer de vivre en France. A la demande du maire de Pierrefitte-sur-Seine, Hibat devient directeur d’un centre social.
Il va alors redoubler d’inventivité pour renouer le dialogue entre les habitants et réhabiliter la « cité des Poètes ». Avec l’aide d’éducateurs, animateurs et de quelques jeunes, Hibat redonne vie au quartier et renforce le lien social avec la conviction que le vivre-ensemble est la solution.
« Le parcours de mes parents m’a toujours inspiré et je me suis dit qu’il fallait partager leur histoire car j’étais certain qu’elle pourrait inspirer d’autres personnes », Kheiron.
Kheiron est né à Téhéran, en Iran, en 1982. Après un difficile périple, ses parents gagnent la France pour fuir le régime totalitaire iranien et s’investissent dans la vie associative de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis.
Kheiron devient animateur dès l’âge de 15 ans, puis travaille pour l’Association pour la Formation, la Prévention et l’Accès au Droit de Pierrefitte. Il intègre le Jamel Comedy Club en 2006 et se fait connaître à travers ses premiers spectacles de stand-up. Parallèlement, il joue un petit rôle dans la série « Bref » qui est un succès public.
Son premier film comme réalisateur, « Nous trois ou rien », sort en 2015.
Le réalisateur Kheiron vient du « stand-up ». Son film est pétri de son univers d’humoriste et développe un ton unique entre humour et gravité. « Nous trois ou rien » raconte le parcours de ses parents – Kheiron interprète lui-même le rôle de son père, Hibat. Fereshteh et Hibat ont dû fuir le régime autoritaire d’Iran et faire face à de nombreux dangers. Malgré cela, Kheiron partage une vision positive de la vie et des combats politiques, et son film garde toujours une forme de légèreté, tout en offrant des moments d’émotion.
Cette légèreté vient d’abord de la voix off qui vient nous guider tout au long du récit. Si le film est raconté comme un souvenir, appuyant sa dimension de parcours initiatique, la voix off, qui est celle d’Hibat, n’hésite pas à commenter les images, voire à les contredire. Ce jeu de contrastes et d’oppositions entre son et image alimente l’esprit de comédie.
La légèreté vient ensuite beaucoup des dialogues humoristiques. Si le film commence en 1955, les échanges entre les personnages se veulent résolument modernes, afin d’universaliser le propos et de rendre l’histoire plus contemporaine, plus proches de nous aujourd’hui.
La mise en scène met en avant beaucoup d’effets de montage avec des mouvements de caméra accélérés ou des enchaînements de portraits comme avec les frères et sœurs d’Hibat au début du film. Parfois, Kheiron brise le « quatrième mur » et les personnages s’adressent directement à la caméra. Cela a pour résultat de créer une « distance » entre le film et le spectateur et de garder un ton léger en jouant avec les règles du film social.
D’autres fois, des personnages ou des objets apparaissent et disparaissent dans le cadre, ou des inscriptions graphiques apparaissent sur l'écran, ce qui apporte un côté décalé, « cartoon ». Si le film relate une histoire vraie, il est mis en scène comme un conte moderne.
A travers cette forme « pop » tournée vers la comédie, Kheiron nous parle de l’histoire et de la culture iranienne. Il montre les traditions, les coutumes : le repas en cercle assis sur un tapis (ce que Hibat et Feresheth reproduiront une fois arrivés en France), la danse et les plats traditionnels lors du mariage…
Si Hibat raconte que son enfance a été heureuse, le gag de l'instituteur qui ne sait pas où se trouve la Belgique nous fait comprendre que l'école iranienne était lacunaire à cette époque. De même, le récit de la mort de sa mère, qui a appris à lire à 67 ans et qui est morte à 68, raconte l'analphabétisme d'une partie de la population délaissée par le gouvernement du « Chah » Mohammad Reza Pahlav, souverain d’Iran. C’est contre lui que se soulève la jeunesse iranienne militante du 20ème siècle.
« Le peuple avait faim de liberté » raconte la voix off, alors que les personnages lui répondent « on a faim » comme s’ils l’entendaient, en s’adressant à la caméra. A travers le montage Kheiron fait dialoguer le « peuple » et le Chah pour montrer avec humour et ironie à quel point ce souverain se fichait du destin de son peuple. Cette mise en relation souligne l’opposition de leurs situations : les représentants du peuple sont des paysans pauvres vêtus de haillons tandis que le Chah est richement vêtu, se tenant dans un bureau luxueux.
Kheiron met en scène le Chah comme un vieil enfant gâté complètement déconnecté de la réalité du peuple. L’épisode des « cassettes », où le Chah affirme que les révolutionnaires donnent l’illusion d’être nombreux grâce à des enregistrements de bruits de foule, montre de manière absurde un monarque obstiné refusant de céder son pouvoir.
Hibat est rapidement arrêté. La caméra pénètre dans sa cellule en passant par le judas de la porte de prison. Cette traversée traduit une volonté de voir les « coulisses » de la révolution, de regarder, par la lorgnette des révolutionnaires communistes, en marge de la grande histoire et des mouvements de foule, les petites destinées qui la cimentent. Un peu comme s’il regardait « derrière le rideau », Kheiron pénètre l'intimité de ses personnages.
Une partie du film aborde alors les conditions de détention des ennemis politique du Chah : « ici tout est pourri » dit le camarade de cellule d’Hibat alors qu’ils se disputent à propos de leurs matelas. La prison, entourée de barbelés, évoque un camp de détention militaire ou un bagne. La plupart des prisonniers sont d’ailleurs pieds nus.
Dans la cour de la prison, on constate déjà les tensions et les divisions entre les opposants au régime du Chah : les révolutionnaires communistes d’un côté, les révolutionnaires islamistes de l’autre. Ces deux factions révolutionnaires, profondément divisées, ont tout de même un objectif similaire : la chute du régime du Chah.
Lorsque les prisonniers doivent manger le gâteau du Chah, la caméra longe les files indiennes de détenus en mouvements « travelling » (mouvement de caméra latéral et fluide), soulignant le fait que tous les prisonniers, islamistes ou communistes, sont alors « dans le même bateau », tous brimés et traités de la même façon – leurs tenues identiques les rendent difficilement différenciables. Mais quand Hibat est libéré de son isoloir, les islamistes sont les seuls à ne pas se lever en guise de marque de respect pour son courage. Cela montre que ces deux camps sont malgré tout irréconciliables.
Hibat est isolé pendant de longs mois pour ne pas avoir mangé le gâteau du Chah. Dans son isoloir, un cadrage fixe accentue la présence des murs qui soulignent l’étouffement du personnage et l’étroitesse du lieu. Le cadre est quasiment toujours le même, la situation d’Hibat est comme figée, et nous sentons le temps qui passe avec sa barbe qui devient de plus en plus longue.
Kheiron dénonce ainsi la violence exercée sur les opposants politiques des régimes dictatoriaux. Torture, coups, enfermement : Hibat va pourtant résister, faisant preuve d’une volonté extraordinaire, même lorsqu’il est traîné par les gardes, à bout de force, pour être ramené dans son isoloir. Le réalisateur exprime toute sa souffrance en filmant uniquement ses pieds ensanglantés ; c’est une métonymie, c’est-à-dire qu’une petite partie représente un ensemble plus grand. En voyant les pieds d’Hibat nous comprenons l’état de son corps entier. Cette image fait écho à celle qui ouvre le film ; il débute sur les pieds du père d’Hibat qui s’avance dans une ruelle du village.
C’est moins la violence qui intéresse Kheiron, que le courage de ceux qui doivent l’affronter pour défendre leurs idées. Malgré les sévices subis par Hibat, c’est le pouvoir de sa détermination qui est mis en avant par le réalisateur. Hibat refuse de désavouer la révolution bien que son frère lui propose de le faire sortir de prison. Un pistolet sur sa tempe, il refuse toujours d’avaler le gâteau du Chah. Kheiron célèbre le courage et l'obstination politique de son père. Hibat entre en résistance, il résiste à la violence, aussi bien physique que politique. Il devient un symbole de la révolution.
« La rue gronde. Tous les leaders de l'opposition sont en prison. Si vous commencez à les éliminer, on ne pourra plus contenir la révolution », dit un conseiller au Chah. Le film mélange des images de fiction avec de véritables images d’archive qui donnent à voir le peuple d’Iran manifester dans la rue. Il replace ainsi l’action dans un contexte historique fort, celui de la révolution de 1979, et mélange fiction et réalité, ancrant le récit dans le réel.
Une scène montre les amis militants de la bande à Hibat appeler leurs camarades emprisonnés : la caméra part du téléphone pour ensuite aller survoler la foule qui hurle « à mort le Chah ! » Ce mouvement de caméra vient relier les petits destins des prisonniers à la grande Histoire. Quand la foule s’exclame : « et on veut des vêtements ! », consigne dictée par Aziz depuis la prison, on comprend l’importance qu’avaient les leaders politiques et leur rôle dans la révolution : ils la guidaient depuis la prison.
« La révolution était en marche ». Cette phrase de la voix off s’accompagne d’un mouvement de caméra avant, tandis que le Chah s’enfuit en emportant ses bibelots. Ce mouvement de caméra traduit cette idée d’une révolution en marche, d’un changement enfin advenu. Mais le problème de toutes les révolutions, c’est de réussir à construire quelque chose après la fin de la lutte.
Quand Hibat et ses camarades regagnent leur village natal, ils sont accueillis en héros. Une cascade coule derrière eux – cet environnement naturel contraste avec celui de la prison et de l’isoloir, et semble exprimer la liberté retrouvée. Les villageois les portent, la caméra accompagne ce triomphe en plan long pour rester dans l’émotion des personnages. Puis Hibat et Aziz retrouvent leur famille. C’est un moment parfait.
La désillusion n’en est que plus forte. La démocratie tant attendue par les révolutionnaires communistes n’advient pas. Suite à un référendum, la république islamique d’Iran est finalement proclamée le 1er avril 1979. L’ayatollah Khomeini en devient le « guide suprême », ce qui lui permet d’avoir le contrôle sur la vie politique et religieuse du pays. Les révolutionnaires islamistes qui étaient en prison avec Hibat sont nommés au gouvernement. Le Coran devient la base du droit civil, les libertés sont strictement restreintes et les droits des femmes sont fortement limités. Une organisation militaire dont les membres sont appelés « les gardiens de la Révolution » est créée pour protéger le régime.
Les opposants politiques vivent alors dans un climat de terreur, la répression est plus forte encore que sous le régime du Chah. Les révolutionnaires communistes sont traqués et exécutés : « on ne savait plus à qui se fier ». Hibat et Fereshteh doivent en permanence déménager. Ils voient leurs amis tomber les uns après les autres. Hibat recherche de l’aide auprès du chef de la résistance kurde, Ghassemlou Abdoul Rahman, qui dirigera le « Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran » (PDKI).
Ghassemlou porte alors l’espoir d’une révolution qui réconciliera le pouvoir central et la population kurde. Mais Khomeini désigne le nouvel élu des Kurdes comme « un ennemi de Dieu ». Il déclare la « guerre sainte » au Kurdistan, et dix ans plus tard, Ghassemlou sera tué de deux balles dans la tête avec deux de ses camarades dans un appartement de Vienne, en Autriche.
Lorsqu’Hibat rend visite pour la première fois à Ghassemlou, tout s’emballe. Les actions s’enchaînent en « montage alterné », c’est-à-dire que le montage montre des scènes qui se déroulent en même temps, mais dans des lieux différents. Fereshteh va accoucher, des arrestations ont lieu, un camarade se jette par la fenêtre pour échapper aux autorités. Toutes ces saynètes sont reliées par la musique, comme si elles constituaient un même mouvement. Mises à mort et désespoir se mélangent avec naissance et renouveau. La vie et la mort sont imbriquées, intriquées : Manoucher meurt alors qu’il construit le berceau pour l’enfant qui va naître. Un monde qui disparaît pour laisser place à un autre.
La situation est devenue trop dangereuse. Hibat et Fereshteh doivent fuir l’Iran avec leur bébé, appelé Manoucher, « Nouchy », en hommage à leur camarade. Hibat veut au départ fuir seul mais Fereshteh le convainc que « la peur n'évite pas le danger. Mieux vaut être ensemble en enfer que seul au paradis ». « Nous trois ou rien » met en scène des femmes fortes (Fereshteh, Maryam et la mère de Fereshteh), respectées et craintes de leurs maris. Elles ont du courage, de la détermination et ne craignent pas le danger.
Le film gagne en suspense lors du périple pour quitter l’Iran : les « barbus » islamistes sont omniprésents, Hibat et sa famille doivent ruser pour leur échapper. Cette dimension « thriller » atteint son apogée lors du contrôle par des soldats islamistes : le découpage des plans, les cadrages sur les visages des personnages qui tentent de cacher leur inquiétude renforcent la tension.
La traversée des montagnes enneigées mélange des prises de vue au drone et des cadrages fixes « larges » (beaucoup d’espace laissé dans le cadre) qui favorisent l’impression de gigantisme des paysages et renforcent celle de la difficulté de les parcourir. Des « fondus enchaînés », c’est-à-dire des transitions qui semblent « dissoudre » les images les unes dans les autres, suggèrent la fatigue des personnages et le temps qui passe : la traversée dure plusieurs jours.
Arrivé à la frontière, Hibat regarde une dernière fois l’horizon qui donne sur son pays. Il y a dans cette scène quelque chose de la mélancolie de l’exilé. Il jette et écrase sa capsule de cyanure. C'est un moment très symbolique qui marque la fin de la clandestinité et de la lutte telle qu'il l'a connue en Iran. Une partie de sa vie se termine avec cette capsule écrasée.
Hibat et Fereshteh gagnent la Turquie. Fereshteh téléphone à son père, mais ne doit pas prononcer un mot car il pourrait être mis sur écoute. L’échange se passe de mots, car les images les rapprochent. Le montage fait alors dialoguer leurs yeux, leurs larmes. C’est un des pouvoirs du cinéma que d’avoir la faculté de rapprocher, par la juxtaposition des plans, des gens éloignés géographiquement dans le récit. Après une année de clandestinité en Turquie, Hibat et Fereshteh obtiennent l'asile politique en France.
Les premières images de la France qui apparaissent dans le film sont celles que l’on se fait à l’international : Tour Eiffel, Champ-de-Mars, soleil parisien, monuments, accompagnés de la musique de la chanson « Milord » (Edith Piaf). La photographie prend alors des teintes plus chaudes, très jaunes, avec de forts contrastes pour faire ressortir la beauté de cette vision « clichée » de Paris qui étincelle dans les yeux des personnages émerveillés, regardant ce spectacle depuis la voiture où la vitre fait comme un écran sur la ville.
Une « coupe franche » au montage (ou « montage cut », c’est-à-dire une transition rapide et brutale) s’enchaîne à cette scène de découverte de Paris pour placer les personnages face à leur nouveau chez-eux : un HLM en Seine-Saint-Denis. Le montage cut, qui fait passer en un instant de la Tour Eiffel au HLM, fait ressortir par opposition le choc et la déception des personnages : « c’est très laid ».
Hibat et Fereshteh sont passés des paysages majestueux des montagnes iraniennes, qui étaient mis en valeur par de nombreux « plans d’ensemble » (c’est-à-dire des cadrages qui laissent beaucoup d’espace pour voir le décor), aux horizons bouchés par les tours de la banlieue parisienne. Dans cette partie du film en Seine-Saint-Denis, la photographie se refroidit légèrement, elle se fait moins solaire, les teintes favorisent plus des couleurs froides comme le bleu et le gris. Cela crée une opposition avec les teintes chaudes des images en Iran et de la découverte de la capital.
Le film montre la difficulté de l’intégration en mettant en évidence ses diverses étapes. Hibat et Fereshteh sont arrivés en France sans argent, sans rien. Ils doivent cumuler plusieurs emplois, de jour comme de nuit, pour garder la tête hors de l’eau. Une nouvelle fois Kheiron se sert de l'humour et d'effets visuels pour dédramatiser la situation et conserver un ton optimiste : le tapis et les couverts apparaissent à l’écran comme par magie, accompagnant le récit de la voix off, le montage est dynamique et la musique entraînante.
Le plus difficile étant la barrière de la langue, que Kheiron exprime en mettant des « bla bla bla » dans la bouche de deux femmes dans le bus. Quand on vient d’un autre pays et qu’on ne parle pas Français, tout paraît étrange et étranger. Mais la détermination des personnages leur permet de rapidement assimiler la langue de leur pays d’adoption.
En parallèle de leurs efforts pour s’adapter à la société française, Hibat et Fereshteh poursuivent la lutte pour la démocratie iranienne, et leur fils Nouchi chante même « L’Internationale » à l’école. Mais lors d’une manifestation, ils sont séparés de l’enfant lorsqu’ils sont emmenés dans un car de police. Fereshteh entre alors, pour la première fois, dans une terrible panique - sa seule peur est d'être séparée de sa famille. L’enfant est retrouvé, mais, suite à cette expérience, le couple se résigne à abandonner la lutte pour leur pays d’origine.
Cet abandon se traduit par l’appel téléphonique de Fereshteh à ses parents pour leur dire qu’ils ne reviendront pas en Iran. Cette scène marque une rupture. Kheiron montre ce que c'est que de laisser sa vie derrière, ses parents, sa famille. L’exil, c’est le renoncement, et apprendre à construire une vie sur le territoire où l'on se tient, au présent. La lutte pour l'Iran ne peut plus être menée : « notre vie était et serait désormais ici ». Hibat accepte de travailler dans un centre social. Il faut lutter sur le sol où l'on se tient, pour le lieu où l'on vit. La lutte d’Hibat et Fereshteh se déplace et devient celle d'une cité désunie pour recréer du vivre-ensemble.
Le film passe alors de l’épopée politique à la chronique sociale. Le centre que dirige Hibat se situe dans la « Cité des Poètes » à Pierrefitte-sur-Seine : « cambriolage, vandalisme, trafic de drogue, un logement sur 3 est inhabité. Personne ne veut vivre ici » dit le maire d’un ton désabusé. Mais pour Hibat la violence qui peut exister dans cette banlieue n’a rien à voir avec ce qu’il a pu vivre dans les prisons iraniennes. Ayant connu bien pire, il entame, sans peur et avec confiance, le chantier de réunir les jeunes autour du projet de centre social. Son passé de militant torturé lui permet de prendre du recul et de voir les choses avec une autre perspective.
Lorsqu’il voit Elyess et sa bande pour la première fois, Hibat a un flash et se revoit, plus jeune, en prison avec ses camarades. Il s’identifie à ces jeunes. Ce qui veut dire qu’ils peuvent, potentiellement, s’identifier à lui. Hibat était un symbole de la révolution, il va devenir un symbole pour ces jeunes qui vont pouvoir se reconnaître dans son parcours (comme eux, il a fait de la prison et est issu de l’immigration) et perpétuer sa légende (« le mec c’est un ouf il a bouffé un chat ! »).
Hibat se fait l’avocat des jeunes de la cité quand ils se font arrêter. Il devient leur défenseur. Il organise une rencontre entre les jeunes et les policiers du quartier pour renouer le dialogue. Quand Elyess rejoint la réunion, c'est une première victoire. Kheiron laisse entendre les deux versions des faits et confronte les camps ennemis et leurs arguments.
Fereshteh, de son côté, est confrontée aux différentes communautés et à leurs problématiques : polygamie, mère arabe envahissante, femme blanche au bord de la crise de nerf...Elle va aider les femmes du quartier à s’émanciper en leur donnant des leçons de biologie pour qu’elles puissent en apprendre plus sur leur corps, et donc sur elles-mêmes : « alors si on peut pas faire des garçons, c'est pas de notre faute ? » s’étonne, soulagée, une femme africaine. Fereshteh aussi est dans une entreprise de dialogue et de réunion : femmes polygames et monogames se côtoient.
Quand Abdel et Mamadou discutent de la chanson « Milord », pensant qu’Edith Piaf chante en « verlan » en disant « midor » (pour « dormir »), on comprend que ces deux personnages sont éloignés d’un pan de la culture française. Ce n’est pas un hasard s’ils débattent sur cette chanson alors que c’est justement la musique de « Milord » qu’on entend quand Hibat et Fereshteh débarquent à Paris : cette chanson est associée au Paris « carte postale », au Paris des monuments et de la Tour Eiffel. Le Paris auquel les jeunes de la cité des Poètes n’ont pas accès.
Il faut donc faire se rencontrer ces univers qui restent à distance l’un de l’autre. Fereshteh s’y emploie en emmenant les femmes du quartier visiter le château de Fontainebleau. La photographie reprend alors des teintes plus chaudes qui tirent vers le jaune. C’est en entendant Maimouna proposer sa place dans le fauteuil de Napoléon à Rachida qu’Hibat a un déclic : « il fallait que chacun se mette enfin à la place de l’autre ».
Kheiron, tout comme son personnage, croit à la vertu du dialogue social. Le montage fait s’enchaîner des conversations plus ou moins houleuses entre les habitants du quartier qui tentent de résoudre leurs conflits autour de la table. En réponse à la violence, la discussion, le fait de pouvoir voir une situation à travers les yeux de l’autre.
La fresque qui s’étale sur les murs de la cité réunit tous les habitants du quartier dans un destin commun. Flics et « voyous » se tiennent dans la même file d’attente. Hibat et Fereshteh ont ainsi essaimé leur « propre définition de l'intégration : nous avons notre histoire, vous avez la vôtre. Et on va en écrire une nouvelle ensemble ». Il s’agit au final de se réapproprier la cité, riche de sa diversité, et dont les habitants forment à la fin du film comme une grande famille. « Tout était à eux. Il fallait juste qu’ils le décident ».
Dans cette scène où tous les habitants sont réunis autour des stands, heureux, la photographie du film est redevenue solaire, comme elle l’était en Iran, au pied de la Tour Eiffel ou au château de Fontainebleau. Le quartier s’est « élevé », et cette évolution, cette ascension s’exprime par un mouvement de caméra qui suit le regard d’Hibat et s’élève pour découvrir la fresque. Cette élévation de la caméra symbolise tout le message d’espoir porté par le film.
- Pourquoi Hibat et ses camarades vont-ils en prison ?
- Pourquoi Hibat refuse-t-il de manger le gâteau du Chah ?
- A quoi aboutit la révolution iranienne de 1979 ? Pourquoi peut-on dire que les militants communistes vivent une désillusion ?
- Pourquoi Hibat et Fereshteh quittent-ils l’Iran ? Quels sont les dangers qu’ils doivent affronter ?
- Quelles sont les difficultés rencontrées par Hibat et Fereshteh lorsqu’ils arrivent en France ?
- Quel moment symbolise selon vous l’abandon pour Hibat et Fereshteh de la lutte pour la démocratie en Iran ?
- Peut-on dire qu’Hibat et Fereshteh mènent une nouvelle lutte en France ?
- Pourquoi les jeunes de la cité des Poètes s’identifient-ils à Hibat ?
- Comment Hibat parvient-il à renouer un dialogue social entre les habitants du quartier ?
- Comment Fereshteh participe-t-elle à l’émancipation des femmes du quartier ?
- Quelle est la définition de l’intégration selon Hibat et Fereshteh ?
Pour aller plus loin : découvrez le dossier pédagogique complet réalisé par l’Institut français d’Autriche-Vienne en cliquant ici.
- Kheiron est à la fois interprète et réalisateur : il met en scène le film et joue Hibat, incarnant ainsi son père à l’écran.
- Kheiron a longuement interviewer ses parents pour avoir un maximum de détails sur leur parcours, afin d’être au plus proche de la réalité dans le scénario.
- Kheiron a fait jouer parmi les figurants de nombreuses personnes qui vivaient sur place et n’étaient pas comédiens : dans la scène du mariage, les figurants étaient iraniens, afin que les dansent correspondent à celles qui existent vraiment en Iran. Les femmes africaines qui participent aux leçons de biologie de Fereshteh sont des femmes vivant dans la cité des Poètes. Dans la scène finale, une grande partie des figurants étaient des spectateurs venus voir le spectacle de Kheiron.
- La prison dans laquelle a été enfermé le père de Kheiron en Iran était une prison politique où étaient réunis des intellectuels, penseurs, journalistes et philosophes opposés au régime en place.